L'histoire :
Dans une ruelle de Jujuy, une ville du Nord de l’Argentine, Chato joue de l’orgue afin que ses copines prostituées puissent danser durant leur moment de pause. Rita et Graciela s’amusent et se déhanchent, lorsque soudain, débarque dans cette scène une grand-mère aveugle qui fait tomber l’orgue de Chato. La vieille Clavelito (qui signifie « petit œillet ») est une prostituée à la retraite. Elle est persuadée d’être sur le quai d’un port, où sont amarrés des bateaux en partance pour Venise. Elle le sait, elle a reconnu la musique, la même que lui jouait jadis son « amoureux », Don Giacomo. Ce dernier lui a jadis promis de lui faire visiter cette ville italienne… et au crépuscule de sa vie, elle compte bien profiter de ce voyage, malgré sa cécité. Rita et Graciela sont compréhensives et bienveillantes… Clavelito n’a clairement plus toute sa tête. Elles la font raconter ses souvenirs, puisque ça lui fait plaisir. Et pour satisfaire à son vieux fantasme, elles décident de tout faire pour l’emmener visiter Venise. Elles ignorent hélas que Venise n’est pas vraiment la porte à côté… et pas vraiment en Argentine. Chato leur montre sur une carte qu’il faut traverser un océan et se rendre en Italie ! Alors elles montent tout un stratagème et une mise en scène pour faire croire à Clavelito qu’elle va aller dans la « ville de l’amore » en avion…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il n’est sans doute pas facile d’adapter une pièce de théâtre en bande dessinée ; et cette intention procède ici d’une curieuse inspiration. Toujours est-il que cette histoire de voyage truqué à Venise est à l’origine une œuvre de l’écrivain et dramaturge argentin Jorge Accame, tout à fait adaptée pour le théâtre (Venecia, 1998), notamment en raison de l’unicité restreinte de son lieu d’action. Le milieu social est original : nous sommes ici dans une communauté de prostituées. Mais les voyeurs peuvent passer leur chemin : non seulement le dessin d’Alejandro Farias est très stylisé – et plutôt sympatoche – mais en plus il n’y a strictement rien d’érotique. Le ton est plutôt celui de la comedia del arte : nos prostituées font croire à leur doyenne aveugle qu’elle voyage à Venise – d’où le titre. Il ne se passe rien d’autre de bien spectaculaire. Or si les dialogues conviennent sans doute au théâtre et se prêtent au jeu d'acteurs (la pièce a visiblement été récompensée par de nombreux prix, au point d’être portée sur grand écran, avec Carmen Maura dans le rôle principal), leur passage à la bande dessinée souffre d’un manque de souffle narratif et de rythme évidents. En gros, on peine à entrer dans cette histoire, on en voit guère la portée sociale et/ou humoristique.