L'histoire :
Le premier juillet 1959, le capitaine réserviste de l’armée de l’air Bob Leclerc se rend au bureau de poste de son patelin. Contre signature, on lui remet un colis « fragile », qu’il n’ouvre qu’une fois en sécurité dans sa chambre. Il s’agit d’une maquette d’un prototype de fusée. A peine a-t-il terminé de l’assembler que deux hommes vêtus de trench-coats gris et de mitraillettes sonnent à sa porte. Ils sont venus pour l’escorter, en voiture, pour un long trajet. Bob est conduit à travers des tunnels top-secrets, traverse des montagnes, des rivières, il change de véhicule, monte à bord d’un sous-marin… Il assiste au bombardement d’un pont de chemin-de-fer sur lequel passait un train. A priori, celui-ci transportait plein de déchets biomédicaux utiles aux martiens pour créer leurs dégoûtants corps factices. Finalement, le sous-marin rejoint en plongée la base ultra secrète de Cotopaxi, où Bob va devoir suivre une formation très pointue de pilotage d’une fusée à décollage horizontal. Il est accueilli et initié aux enjeux et aux mille détails techniques par le professeur Adélard, véritable père de cet engin révolutionnaire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec le premier volume (sur deux prévus, a priori) de cet épais Cauchemar argenté, le canadien Grégoire Bouchard se livre à un exercice insolite et incongru d’art séquentiel. Pour l’expliciter, partons du pitch prometteur d’une science-fiction délicieusement kitsch : la Terre est sur le point d’être envahie par des martiens ; heureusement un vrai héros, Bob Leclerc, est recruté pour aller leur atomiser la tronche. Partant de là, si votre imaginaire est normalement cortiqué, vous vous projetez déjà dans des batailles spatiales façon Star Wars ou dans des commandos d’action avec échanges réciproques de pisto-lasers. Et bien Bouchard, lui, pas du tout. Le canadien s’emploie en effet à montrer minutieusement la préparation de la riposte humaine, en passant par la description de mille petits détails, par des détours qui n’en finissent pas, montrant des cockpits de navettes incroyablement détaillés, des hangars techniques de stakhanoviste avec des tuyères et des pistons partout, partant dans des considérations techniques incongrues, des souvenirs de jeunesse de protagonistes secondaires… On se croirait dans Objectif Lune puissance mille. Le héros lui-même est quasi-muet et transparent ; les seconds couteaux peinent quant à eux à dévoiler leur psychologie. En bref : tout, pourvu qu’on puisse éviter le souffle épique. Et ça dure ainsi 200 pages, avant que la dernière planche ne montre enfin la fusée terrienne qui décolle. Serait-on en route pour des… aventures ? Ce niveau de circonvolutions est tel, qu’il n’est assurément pas un refus d’obstacle, mais plutôt un parti-pris narratif insolite (et pas trop grand-public). Bouchard se complait visiblement avant tout dans l’illustration de sa ligne claire élégante et minutieuse, rehaussé par une colorisation volontairement terne et désuète (années 50 obligent), prenant corps dans un découpage très aéré (en général 4 cases par page). Etant donné ce looooooooong épisode de présentation, on peut se demander à quoi va ressembler le tome 2. Le même délayage d’aventures jamais atteintes ou a contrario un concentré d’action pure ?