L'histoire :
A l'invitation de la ville de Grenoble et de la bibliothèque municipale, Edmond Baudoin assure de janvier à mai 2021 une résidence de création à l'étage d'un théâtre inoccupé pour cause de Covid. Il passe ainsi cinq mois à se balader au sein de la capitale iséroise, qu'il ne connait pas, essayant de faire ressortir l'essence de cette ville engoncée dans une cuvette entourée de hauts sommets, perçue malheureusement par certains uniquement pour sa pollution et une certaine délinquance. Pour cela, il demande à toutes les personnes l'acceptant de lui fournir un texte en échange d'un portrait de sa main. Parfois, c'est lui qui sera dessiné. Exceptionnellement, des dessins lui seront donnés, et il reproduira même deux extraits de bande dessinée, celle de Pascal, ayant fabriqué artisanalement un pinceau en poils de (vraie) Martre, et plutôt réussie, ou celle de Coline, ayant publié, dans un style plus enfantin Personne ici ne sait qui je suis (ed. Le Monde à l'envers). Lorsque la résidence s'achève, l'auteur s'interroge sur la cohérence et la qualité de son travail...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il faut reconnaître à Edmond Baudoin, dont on fête les quarante ans de carrière à l'occasion d'une exposition à la cité de la bande dessinée et de l’image (d’octobre 2021 à juin 2022), une faculté à approcher ses pairs et à faire ressortir le meilleur des gens qu'il choisit d'aborder. Cela dit, il sera aussi interpellé par moment. Cette facilité l'amène à récolter des témoignages sincères et intéressants, argumentés, nimbés d'humanisme, faisant quasiment tous ressortir l'aspect accueillant de la ville. Beaucoup de personnes venant de l'étranger sont interrogées, et sont d’ailleurs les plus prolixes sur cette notion d'accueil chaleureux. Les autres, étudiants venus d'ailleurs ou résidants autochtones, disent tous le rapport exceptionnel et inséparable qu'ils ressentent entre le cœur de ville plutôt sombre et ses sommets environnants, leur permettant la respiration indispensable. Des guides de montagne ou professionnel des loisirs alpins sont d'ailleurs interrogés, comme le sont des acteurs sociaux et culturels, publics ou associatifs. Tous disent leur conviction du bon pouvant ressortir de cette ville, même si les dernières élections municipales et la crise du Covid ont quelque peu bouleversé les habitudes. Grenoble doit revivre, comme beaucoup d'autres cités, et la fontaine du Lion, symbole sculptural bien connu des habitants, représentant le torrent du DRAC, tenant sous sa patte un serpent (l'Isère), devra peut-être desserrer son étau, afin qu'un second souffle émerge. Cet album est politique au sens noble, car fait par des citoyens, pour les citoyens, jamais ennuyeux. Cette nouvelle œuvre à la narration singulière s’inscrit dans la bibliographie déjà riche d'un auteur majeur du neuvième art.
