L'histoire :
Fin décembre 1877, le peintre Gustave Courbet s’enivre d’absinthe en solitaire dans un café de La-Tour-de-Peilz, en Suisse, lorsqu’un jeune homme demande à s’attabler face à lui. Il est le lampiste du village et il souhaite juste comprendre l’inspiration et la motivation de ce célèbre peintre. Courbet lui fait donc le plaisir de lui raconter sa vie, à commencer par son enfance à Ornans, une petite ville du Doubs traversée par la Loue. A l’époque, ses parents sont de riches propriétaires terriens, ce qui permet à Gustave de profiter d’une éducation sérieuse. En raison d’une impertinence envers son maître d’école, il poursuivit dès le collège en pensionnat à Besançon. Son grand-père insuffle alors en lui sa devise : « Crie fort et marche droit ». Son professeur de dessin repère en lui des dispositions hors norme, qui lui valent de rejoindre Paris pour la suite de ses études. Il se fait réformer du service militaire grâce à son bégaiement prononcé, passe son bon temps avec son cousin Urbain Cuenot et son ami Adolphe Marlet. Il se met aussi au travail, n’écoutant jamais ce que lui dicte l’académisme de ses prédécesseurs. Et tandis qu’il courtise des filles, son travail est repéré, présenté, acheté. Un jury lui fait notamment l’honneur d’être exposé à l’exposition de l’industrie. Il se complet dans une vie de bohème et fréquente la brasserie Andler-Keller, où s’immiscent en lui les idées de Proudhon et la notion de « réalisme »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette biographie de Gustave Courbet, telle que bien définie par son titre, est strictement la même que celle qui était parue aux éditions du Long Bec en janvier 2016, sous le titre Le Rendez-vous d'onze heures... à une exception près, et de taille : la couverture ! Celle des présentes éditions Mosquito a préféré épiler L'origine du monde et disposer une main tenant un pinceau (poilu !) perfidement placée devant. Les puristes crieront au sacrilège ; les plus prudes apprécieront la pudeur frontale, plus en adéquation avec le contenu : une invitation à découvrir une peinture historique et non érotique. Dans son récit, André Houot insiste néanmoins sur l'insoumission de ce célèbre peintre français qui brilla dans la seconde moitié du XIXème. Courbet continue d’ailleurs de défrayer la chronique sous notre XXIème siècle, essentiellement en raison de l’audace de son Origine du monde, un focus réaliste et bien cadré sur une foufoune pileuse et charnue, qui choque encore et toujours chez les puritains. Pour permettre cette biographie très documentée et relativement exhaustive, à laquelle il a consacré trois ans de sa vie, Houot prend le prétexte d’un entretien entre un mystérieux jeune homme et un Courbet imbibé d’absinthe dans les derniers jours de sa vie, lors de son exil suisse. S’ensuivent de nombreuses séquences, très morcelées et ponctuées d’ellipses, en raison de la contrainte de faire tenir en 66 pages de bande dessinée un maximum d’informations sur la vie et les engagements du peintre. On découvre ainsi son enfance, sa maturité artistique, sa vie de bohème parisienne, son insoumission aux académismes, son absolutisme artistique, son attachement aux idées de Proudhon, sa démarche réaliste, enfin son engagement pour la Commune et ses décisions « politiques » radicales, qui minèrent les dernières années de sa vie (il meurt endetté de plus de 300 000 francs de l’époque, pour avoir ordonné la destruction de la colonne Vendôme). Il semble donc que Courbet soit fidèlement présenté comme un artiste génial, entier et exigent – souffrant sans doute aussi d’un gros complexe de supériorité, qui poussera Alexandre Dumas à le décrire comme le croisement entre « une limace et un paon [chapelet d’insultes], incarnation du Moi imbécile et impuissant ». La biographie est donc très sérieuse, dommage que le rythme séquentiel inhérent à l’exercice ne puisse lui accorder plus de suspens. En revanche, le dessin est – comme toujours chez Houot – d’une grande minutie. Il fallait tout son talent réaliste (!) pour honorer un tel monstre pictural. Décors ciselés, animations urbaines du XIXème parisien, intérieurs d’ateliers, véhicules, scènes de fêtes et nuits de débauches sont subtilement mises en couleur par Jocelyne Charrance, compagne d’Houot.