L'histoire :
L’époque de la guerre de 100 ans est effroyable en termes de grandes calamités. Famine, peste noire, grand froid, loups, brigands… Durant un hiver rigoureux, une famille de bucheron est arrivée au bout des réserves de sa chaumière. La mère ne supporte pas l’idée de voir ses 7 fils mourir de faim. Elle accepte donc que son mari aille les perdre dans la forêt. Mais l’un des 7 fils, surnommé « Petit Poucet » car à la naissance, il était gros comme un pouce, est plus malin que ses frères. Il comprend ce que préparent ses parents et il emporte donc une ultime miche de pain lors de la « promenade pour aller chercher du bois ». Il en sème alors régulièrement des miettes tout du long, afin de retrouver son chemin ultérieurement. Le bucheron et ses fils traversent alors des paysages désolés et tragiques, découvrant des pendus, des cadavres et des squelettes humains sur les sites des champs de bataille. En passant, le Petit Poucet s’approprie une épée qui traine. Plus loin, dans la forêt, le père agit donc comme prévu : il se sauve en catimini, laissant ses quatre enfants à la merci de l’Ankou, ce fantôme breton qui ramasse les âmes des morts avec sa charrette…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette version du Petit Poucet n’est pas tout à fait pour les enfants. Elle respecte certes globalement le célèbre conte de Perrault, mais elle le replace dans le contexte obscurantiste et le marasme civil de la guerre de 100 ans… avec son cortège de cadavres, son lot d’hémoglobine, la figure inquiétante de l’Ankou, l’ogre géant psychopathique, qui évoque en fin d’album Gilles de Rai (authentique dévoreur de 150 enfants)… Visuellement, les paysages mornes et hivernaux aux teintes froides s’alternent aux intérieurs infernaux et sanguins du château de l’ogre. Les auteurs Jean-Louis et Louis le Hir (respectivement père et fils) utilisent un style graphique très encré et néanmoins proche du rough, traficoté par photosphop pour la composition, les éléments de décors ou les effets de blizzards. L’ensemble prend cadre souvent dans de grandes cases, avec peu de texte. Hormis le petit poucet lui-même au char-design simpliste, les autres figures du conte sont soignés pour un formidable rendu angoissant (ha l’Ankou ! ha l’ogre !). Une relecture intéressante et sinistre.