L'histoire :
Quelques semaines après la mort accidentelle de son fils Jonathan, tombé dans un trou de mine, Charles Mirmetz est désigné juré pour un procès en assises. L’homme est consciencieux, d’une extrême droiture, mais son équilibre psychologique est encore fortement perturbé par la perte de son fils. Charles culpabilise de n’être pas arrivé à l’heure à l’issue de son entrainement de foot et de l’avoir laissé rentrer à pied par des chemins hasardeux. Mais pour l’heure, il prend des notes sur l’affaire qu’on juge. Salesky, un polonais, en a assassiné un autre, Koznic, à grands coups de barre de fer, pour une histoire de dettes. Tout accuse Salesky, tant le mobile que les aveux troubles… pourtant, il n’y a pas de preuve formelle. Notamment, la barre de fer n’a jamais été retrouvée, car Salesky ignore où elle se trouve. Lors de la description de l’acte par le procureur, Charles fait un malaise. Il s’imagine la scène, atroce, et ne la supporte pas. Une vieille femme appelée à la barre accuse des forces démoniaques d’être à l’œuvre. Et si c’était vrai ? Et si les visions, de plus en plus précises de Charles, étaient surnaturelles ? Au cours des nuits suivantes, ses visions vont jusqu’à lui montrer l’emplacement authentique de la barre de fer. Charles acquiert peu à peu la conviction que Salesky est innocent. Il va devoir convaincre ses pairs de ce point de vue, pour éviter la peine de mort au polonais…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
« Juré d’assise » est un rôle que tout citoyen est passible de devoir remplir un jour ou l’autre. Grégoire Bonne, parisien formateur au sein de l’académie Brassart-Delcourt, embrasse la question au sein d’un thriller en one-shot potentiellement mâtiné de fantastique… En plus de cerner admirablement la tempête psychologique que l’aboutissement d’une intime conviction peut susciter, Bonne en tire un thriller haletant. A priori, son personnage central Charles Mirmetz est un quidam comme vous et moi : quinqua moustachu, lunettes à gros bords carrés, un peu dégarni. Cependant, Mirmetz trimbale la culpabilité traumatisante de la mort de son fils et cela en fait un juré différent des autres. Plus consciencieux, plus responsable, plus tourmenté et en prise avec les faits… Il veut racheter sa faute et remettre de l’ordre au monde. Mais ses repères vacillent : plus il veut la vérité et plus celle-ci se fait évanescente, incertaine. De quoi devenir fou. A un moment, l’album pose presque la question de savoir ce qu’est la vérité, si elle existe, si elle est importante. Dans notre bon monde, qui est réellement coupable de quoi, au final ? Et puis en auteur décidément très complet, Bonne remplit les vides de la narration, met son histoire en parfaite cohérence, en un final abouti et génial. En prime, Bonne dévoile des dispositions artistiques d’une belle maturité. A l’image de la couverture, riche en symbolique, son lavis en noir et blanc s’impose à chaque case d’une folle justesse. La technique est en parfaite adéquation avec la pesanteur et le morbide du sujet, dans une ambiance aux frontières de l’ésotérisme. Quel majestueux premier ouvrage !