L'histoire :
Dans une fourmilière, une soldate prévient ses paires : un géant à bâbord est en train de les observer avec insistance. En effet, Renar est là, qui observe l’activité tumultueuse des insectes. Cela lui permet de réfléchir au sens du travail et de la société organisée. Lorsque son copain Blérô passe, il lui fait la remarque : « as-tu déjà réfléchi que beaucoup de ceux qui travaillent beaucoup ont peu, tandis que beaucoup de ceux qui travaillent peu ont beaucoup ». Cela laisse Blerô circonspect. Entre autre parce que dans une fourmilière, il n’y a pas une seule fainéante. Blerô trouve d’ailleurs encore plus dingue que personne ne se révolte jamais. Dans ces conditions, il se met à piétiner la fourmilière. Ainsi les fourmis n’ont que ce qu’elles méritent : du travail !
Plus tard, Renar découvre Blerô en train de se pâmer nonchalamment dans la surface d’un étang. Blérô se trouve beau, et trouve tous ceux de sa race beaux. Les cinquante nuances de gris de sa fourrure sont classe. L’élégance alliée à la sobriété. Renar lui fait remarquer que chez les humains, jamais une femme ne porte pourtant de col en fourrure de blaireau, alors la rousseur des renards a beaucoup plus la côte. Les deux retirent leur pantalon pour piquer une tête dans l’étang…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Un renard et un blaireau devisent sur leur condition, le sens de la vie, la nature qui les entoure, les inégalités sociales, le marivaudage et l’acceptation de l’autre… Tel est le pitch de ce curieux ouvrage hors du temps, dessiné comme dans les années 80 et comme s’il s’adressait à la jeunesse (les personnages sont anthropomorphiques). Néanmoins, leurs sujets de réflexions sont bel et bien adultes. Entendez : il n’y a aucune scène à « réserver strictement » aux adultes ; mais les jeunes resteront sans doute circonspects devant tant de questionnements cyniques, philosophiques et sociologiques. Pour autant, nos personnages évitent les sermons pontifiants et s’en tiennent à des péroraisons de comptoir. Bref, ils déconnent, essentiellement, mais en donnant toujours une pointe de sens à leur ironie. Un personnage de gourou… kangourou (avec un slip sur la tête) revient aussi de manière récurrente, pour incarner la vacuité des idéologues. Ce faisant, Serge Scotto se situe dans une veine proche du Génie des alpages ou plus lointainement du Chat de Geluck. Les sujets sont divisés en courtes séquences indépendantes, se déroulant toutes dans la nature. « Il n’y a pas de mauvaise réponse, mais que des bonnes questions ».