L'histoire :
Mary reprend connaissance sur un banc. Que fait-elle là, en jupe courte ? Elle identifie une grande ville américaine et trouve un journal dans une poubelle : elle est en 1935, à Providence. Incroyable ! Quelques secondes plus tôt, elle jouait avec des amis à un jeu vidéo en immersion virtuelle, en mai 2022, dans son appartement newyorkais… et par ce biais, elle se projetait justement dans la ville et l’époque de l’écrivain qui la passionne pour sa thèse en littérature : HP Lovecraft ! Elle trouve une vieille redingote qu’elle enfile, afin de cesser d’interpeler les passants par sa tenue d’un autre âge. Comment va-t-elle se sortir de cette situation incompréhensible ? Et si elle en profitait pour aller à la rencontre de son sujet d’étude ? Après tout, l’occasion est inespérée. Convoquant ses souvenirs, elle se rend donc dans la rue où vit Lovecraft à cette époque. Il habite dans une demeure un peu austère de Collège Street, avec sa tante. La nuit tombe, elle aperçoit l’écrivain en ombre chinoise qui passe devant une fenêtre éclairée du premier étage. Elle se permet d’entrer sans frapper, monte les escaliers et toque à la porte de sa chambre. Quelque peu surpris de cette visite inattendue et incongrue, Lovecraft l’accueille en peignoir sur le pas de sa porte…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A travers ce roman graphique en one-shot et en noir & blanc, le scénariste Rodolphe et le dessinateur Philippe Marcelé assouvissent assurément leur estime et font un bel hommage à l’un des fondateurs de la littérature fantastique, l’écrivain Howard Philipps Lovecraft. Leur alter ego, qui leur permettra de rencontrer le maître et d’aborder des pans de son existence, sera une étudiante passionnée par son œuvre. Elle appartient certes initialement à l’an 2022, mais elle se retrouve projetée 87 ans en arrière par un biais technique qui restera flou… et ça n’est plus grave que ça. De fait, elle va à la rencontre de Lovecraft et passe une nuit entière à deviser avec lui, afin de percer ses inspirations et brosser différents aspects de sa vie. Le procédé est basique, mais il a le mérite d’aller à l’essentiel sans s’entourer d’autres artifices. L’intention est donc louable, la biographie effective, l’apport culturel concret, mais cela dit, le résultat nous laisse tout de même un peu en plan. Car on ne comprend jamais réellement l’origine des inspirations délirantes de Lovecraft – une gageure impossible, certes. Fallait-il être tout de même partiellement dément pour inventer Cthulhu, et porter un tel pessimisme mystique sur l’appréhension de l’Homme sur son environnement ! La rencontre ne bascule elle-même jamais vraiment dans l’horreur : Mary et HP devisent de manière très cordiale, en se promenant, invoquant souvenirs ou récits en flashbacks. Marcelé emploie quant à lui un dessin crayonné et hachuré sur-contrasté, proche du rough, afin que le trait soit volontairement sale et charbonneux. Il mélange les techniques et les rendus, faisant parfois appel à des photos trashées et retouchées, pour un résultat cohérent avec le sujet, mais inégal.