L'histoire :
Le monde a changé et l'humanité a disparu. Seuls restent des bipèdes qui ne pensent qu'à se manger les uns les autres. Un petit groupe transporte un corps et se réjouit à l'avance du festin qu'ils vont faire. Ils veulent le protéger des autres « prédateurs » et trouvent une crevasse parfaite pour cela. Ils y descendent rapidement, mais un homme masqué surgit et les attaque violemment. La plupart sont tués, surpris par la rapidité de l'attaque. L'étrange personnage s'arrête d'un coup quand il voit un chat. Ému, il récupère le félin, tandis qu'un des rescapés s'enfuit, trop heureux de cette aubaine. Le terrible personnage s'appelle Ut et il est tout heureux d'avoir récupéré ce chat. Par contre, il doit voir Dèce et sait que son chef va être furieux. Ut doit en effet protéger le mastaba contre toute intrusion. Pour prouver qu'il n'a pas failli en sa mission, il coupe les doigts de ses victimes et va faire son rapport à son patron. Léopold, son nouveau compagnon chat, l'accompagne...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il est des récits qui ne vous laissent pas indemnes. Ut en fait partie et à l’image de son personnage principal au visage marqué et barré par un masque effrayant, vous risquez d’en garder quelques cicatrices. Il faut dire que l’histoire est particulièrement étrange. Dans un monde dévasté et désertique, les humains se déchirent pour se manger entre eux. Ce début apocalyptique à la Bilal laisse place à des rencontres et évènements plus étranges les uns que les autres. Dans cette singulière aventure, tout semble possible : vous verrez des sculptures vivantes, des courses poursuites absurdes, un meneur qui fait se suicider tous ses alliés, des naissances inscrites sur des pierres tombales… Cette plongée surnaturelle est aussi extrêmement mortifère et le morbide côtoie l’insolite. Dans ce fatras de violence et de non sens, Ut tente de survivre et de trouver un but : protéger un chat ! Qu’on se le dise : le sens n’est pas toujours facile d'accès et il faut tenter de ressentir l’intrigue plutôt que de la comprendre. Pourtant, un fil conducteur lie ces rencontres et ces passages surréalistes. Même si le tout est parfois un peu long, le tourbillon surnaturel fait son effet. On est comme envoûté par la beauté noire du récit. Il faut dire que le dessin de Corrado Roi ouvre une voie royale au style Mosquito. Les personnages très marqués et dessinés comme au scalpel ressortent de façon magnifique grâce à un noir et blanc prodigieux de maîtrise. Certains portraits, souvent vus de profil, sont d’une vie intense et rare et rappellent les grands maîtres italiens et argentins du noir et blanc comme Toppi, Dino Battaglia ou Alberto Breccia. Le style crépusculaire de l’artiste suffit à lui seul à planter une ambiance et raconte énormément de choses (certaines planches sont d’ailleurs vides de textes). Un premier tome prometteur et atypique. On a encore faim pour découvrir les deux prochains tomes !