L'histoire :
Franziska court dans les bras de son mari. Elle est enceinte, son bébé commence à s'agiter dans son ventre. Son mari a dû s'absenter longuement pour son travail. La jeune femme est persuadée qu'elle attend une petite fille, et elle a une idée de prénom pour son enfant : Charlotte. Elle la soumet à son mari en suggérant une référence au nom de leur quartier. Mais son mari sait que ce n'est pas là la véritable raison de son choix... Charlotte naît le 16 avril 1917, à Berlin. Comme tout nouveau-né, elle pleure beaucoup. Sa mère est désemparée, elle a peur. Elle ne supporterait pas de perdre une Charlotte de plus. La jeune femme a en effet perdu sa sœur, qui portait le même nom, quelques années plus tôt. D'une noyade. Jamais elle ne s'en est remise. Et puis, un jour, c'en est trop pour elle, elle met fin à ses jours. Sa fille Charlotte va grandir sur une période où l'antisémitisme est en pleine montée, tandis qu'elle étudiera les arts appliqués. Elle produira au cours de sa vie plus de 1 000 gouaches, à caractère autobiographique. D'origine juive, cette artiste trouvera dans l'art une thérapie. Elle sera malheureusement rattrapée par le climat ambiant et sera déportée à Auschwitz à seulement 26 ans, alors qu'elle est enceinte. Elle y passera ses derniers instants.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le nom de Charlotte Salomon ne vous est peut-être pas inconnu. Vous connaissez sûrement le roman de David Foenkinos, Charlotte qui retrace la vie de cette femme artiste déportée. Ici, Ilaria Ferramosca et Gian Marco de Francisco, adaptent également la vie tragique de cette jeune femme, mais ils orientent leur bande dessinée vers un autre parti-pris. Ils s'attardent sur la vie personnelle de Charlotte Salomon, plus que sur ses œuvres. Celles-ci étant autobiographiques, en comprenant son parcours, nous les interprétons mieux. Mais les aueurs choisissent également de lui rendre hommage dans la structure même de la bande dessinée. Les œuvres de Charlotte Salomon relèvent de l'art séquentiel : elle construit chaque séquence comme un morceau de film, parsemé de mots et de musique. Cet art en mouvement, l'illustrateur le retranscrit. Il s'affranchit du gaufrier pour laisser plus de liberté à son dessin, à l'instar de l'art de Charlotte Salomon, mais il détaille le mouvement dans ses cases. Ainsi, une même case peut contenir plusieurs fois les mêmes personnages, qui se déplacent à l'intérieur de celles-ci. Le procédé peut déstabiliser, et demande une gymnastique de lecture. Il est toutefois étonnant de voir plusieurs planches signées par le dessinateur au cours du récit. Les auteurs reviennent sur le parcours de vie de cette femme peintre, déportée à Auschwitz, et saisissent ses origines, son présent, sa destinée.