L'histoire :
Dans Les aventures du Brésil, Brasiou est un personnage à forme caricaturale et carrée, représentant le pays lui-même. Il va chez le docteur, se soigne, vit des misères, paie ses impôts dans les délais, vit néanmoins des traumatismes, s’en prend aux autres, les « clochards qui ne font rien », il casse tout, pour réaliser qu’au final, il n’apprend jamais rien.
Les deux colocataires de Jour de paye sont deux branleurs patentés, vivant dans ce qui ressemble à un taudis. Tandis que l’un s’offusque de ne voir Rivolino, son coloc, ne rien faire de ses journées, lui part essayer de vendre quelques steaks de soja dans la rue. Lorsqu’il revient à l’appartement, il trouve Rivolino, qui est allé extorquer son vieux patron souffrant d’Alzheimer semble-t-il, avec une paire de seins qu’il s’est offerts avec sa paie, et est en train de se masturber devant un miroir…
Galactorréia conte le rêve dingue de Cynthia B, qui déambule dans les rues avec un corps devenu celui d’une femme enceinte de 6 mois. Le lait lui sort de la poitrine, et son cauchemar se termine tandis qu’elle subit un pressage de cette dernière dans une machine infernale à l’hôpital...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Oui, les premiers récits de Quadrinhos, dépotent. Cependant, il ne faudrait pas s’arrêter à cet aspect provo-punk, néanmoins symptomatique d’un pays qui se cherche. On aime les livres sur la bande dessinée, et s'il est vrai que les éditions Vertige Graphique avaient proposé en 2008 un album broché traitant de l'Argentine (Historieta, Regards sur la bande dessinée argentine), rien n'avait vraiment fuité jusqu'à présent, ou si peu, sur un pays où la culture autochtone a subit depuis des siècles pas mal de brassages. Dans l'étude très didactique qui accompagne les 17 récits noir et blanc (ou couleurs) d'auteurs issus pour la majorité de la dernière vague créative, Maria Clara Carneiro, chercheuse et professeure à l'université Fédérale de Santa Maria, mais aussi traductrice de certains de nos meilleurs auteurs hexagonaux modernes, rappelle que jusqu'au début du XXIème siècle, il n'existait quasiment pas d'éditeur et/ou de boutiques de bandes dessinées dans le pays. Cette culture se réduisant à certaines publications humoristiques dans les journaux. De plus, la plupart des éditions du XXème siècle ont été gérées au Portugal (cf. les éditions Famboyant et Record, qui ont édité par exemple As aventuras de TinTim, à partir de 1961). Quoi qu'il en soit, et bien que l'avenir et le présent ne soient pas franchement radieux en termes de politique culturelle, on note depuis une dizaine d'années environ de belles créations et l'existence de fanzines et blogs de nouveaux auteurs. Sans doute Luli Penna est-elle d'ailleurs responsable sans le savoir du miel de cette anthologie, avec son récit personnel Cocotiers et clichés, contant avec une rare poésie l'histoire culturelle du Brésil, à partir d'un tableau mettant en scène des danseurs sous des cocotiers, qui l'a suivi depuis son enfance. Car si tous les récits présents apportent une touche, sinon exotique, du moins originale, bien que l'on ait parfois l'impression d'avoir déjà perçu quelques vibrations esthétiques et/ou narratives dans d'autres anthologies françaises mettant en relations d'autres auteurs internationaux, une majorité d'entre eux délivre un message, une impression, ou témoigne d'une manière de ressentir la vie dans ce pays traversé par de nombreux questionnements : politiques, écologique, sociétaux, culturels... A cet égard, les pages d'Eduardo Belga et Mateus Acioli privilégient un langage très contemporain et ardu, en noir et blanc, pour délivrer un message presque codé (par crainte de représailles ?) utilisant des images abstraites et ou des techniques radicales, issues de l'esthétique punk, très « Amokienne » afin de dénoncer, assez clairement, les dérives d'une présidence quasi dictatoriale actuelle, du moins le traduit-on ainsi. Les autres auteurs : Stêvez, Pablo Carenza, Cynthia B, Aline Zoubi, Daniel Og, Diego Gerlach, DW Ribatski, qui a l'honneur de la couverture, Pedro d'Apremont, Rafael Corea, Vinicius Mitchell, Fabienne Langona, Gabriel Goes, Luiz Berger, ou bien Mariana Paraizo, nous offrent des œuvres davantage marquées par l'underground espagnol ou américain, que les amateurs de petits éditeurs, de comics ou de fanzine reconnaîtront. On notera d'ailleurs l'emprunt de la série The Archies chez Gabriel Goes, qui revisite avec talent et dans son Peps comics, l'Erotic trash des vieux fascicules vendus sous le manteau. Tous ont à cœur de dénoncer beaucoup de choses, et cette ébullition donne une idée du vivier brésilien, prêt à exploser. Bravo aux éditions alternatives Onapratut pour nous donner l'occasion de découvrir autant de vitalité. Une anthologie goûteuse.