L'histoire :
Hitler arrive au pouvoir en Allemagne en 1933. A l’époque, il déclame des discours enflammés qui exaltent le peuple. Il était une fois, dans la petite ville de Hamelin, des rats qui pullulaient. Un personnage bizarre au teint blême, avec des yeux étranges et une mèche de cheveux sur le front, arriva alors en marchant et en jouant de la flûte. Au son de l’instrument, les rats sortirent des maisons et se mirent à courir derrière lui. La mélodie les émouvait jusqu’au fond de l’âme. Elle répondait à leurs aspirations confuses, leur nostalgie, leurs passions, leurs espoirs. Elle les excitait, les berçait et exerçait sur eux une force d’attraction irrésistible. Le joueur de flûte les conduisit ainsi jusqu’au fleuve, et le sorcier et les rats disparurent à jamais dans les eaux.
Hitler a jadis aimé sa nièce Geli Raubal, de 19 ans sa cadette. Il l’éduquait et vivait avec elle dans un appartement de Munich. Il lui était alors impossible d’aimer une autre femme, il était possessif et dominateur. Or un jour, une scène violente éclata. Hitler partit fâché à son rendez-vous sur Nuremberg. Pendant ce temps, Geli Raubal trouva une lettre d’amour signée de la main d’Eva Braun, dans une poche du pardessus de son oncle. Elle se suicida aussitôt d’une balle dans le cœur, plongeant Hitler dans une profonde affliction…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A travers ses précédentes œuvres, Pascal Croci a souvent fait montre de son goût pour le gothique et les focus historiques cruels : Dracula, Elizabeth Bathory, Gloriande de Thémines… Mais avec cet album centré sur la figure d’Hitler, il touche à l’absolu dans ce registre. Pour autant, il ne s’agit pas à proprement parler d’une biographie. Le plus « beau » portrait de l’ignominieux führer se trouve en couverture. A l’intérieur, Croci aligne des dessins de l’horreur qui résulta du IIIème Reich, à partir d’un lavis majoritairement noir & blanc, mettant en scène des silhouettes romantiques – des figures de l’entourage d’Hitler, des ruines, des nazis en uniformes, des corps amoncelés, des vues d’Auschwitz enneigée… Par-dessus, se superposent une multitude d’encadrés narratifs décorrélés du visuel. A travers ces textes, Croci empile les réflexions et les anecdotes, comme autant de focus permettant de se questionner sur la noirceur de cette âme damnée. Une métaphore entre Hitler et le joueur de flute de Hamelin ; l’histoire tragique de la nièce bien-aimée Geli Raubal ; mais aussi celle de l’anglaise Unity Midford ; les expériences immondes sur les cobayes humains dans les camps ; l’attentat contre Hitler ; la question de l’obéissance aveugle ; le procès d’Irma Greze, responsable du camp d’Auschwitz ; l’opposante Henriette Hoffman von Schirach… Croci ne se livre pas vraiment à une fascination morbide, car le ton est largement réprobateur. Mais on peine à saisir l’intention d’un tel album. S’il fallait trouver un propos commun entre toutes ces parenthèses, ce serait plutôt le rapport d’Hitler avec les femmes, une tentative de comprendre le carburant de ses passions, confuses et abjectes.
