L'histoire :
Le 4x4 de TSF progresse tant bien que mal sur les pistes de la brousse. Dans l’habitacle encombré et enfumé par une cigarette conique à l’herbe chinoise, l’atmosphère est cahoteuse. Entre le GPS et la carte classique, l’affrontement est rude… et inutile, puisque le véhicule se plante bientôt, nez en avant, au bout d’un pont cassé. Alors que les passagers reprennent leurs esprits, trois jeunes solidement armés approchent du fossé et leur demandent s’ils ont des cadeaux. Parce que s’ils n’ont rien, eux ont des petites billes en fer à leur offrir… En sortant des cigarettes et des bonbons, les occupants du 4x4 accidenté s’offrent un peu de répit. Comme il y a une femme dans le groupe et qu’elle a un sacré caractère, elle se fait bientôt remarquée. Les enfants proposent, Kalash en avant, de leur montrer comment ça marche, ici, avec les femmes qui crient après les hommes. Pour changer de sujet, les blancs proposent plus de cigarettes et des dollars… D’accord, mais il faut quand même que la femme vienne avec eux. Un des petits la prend par la main pour l’entraîner de force… Bien sûr, elle crie encore… Et alors que son collègue lui demande de se taire, un enfant qui en a assez de ses conseils lui envoie une décharge de kalash. Afrique 1- TSF 0. Sur le chemin du village, le groupe croise une autre voiture tombée d’un pont. Celle-là contenait des missionnaires. Les enfants ayant confondu les saintes croix avec des avions sans piles, les ont finis à la machette…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jeux sans frontière évoquera sans doute, par son titre, des souvenirs de joutes farfelues et télévisées avec des déguisements improbables. Dans cet album à l’humour grinçant, ce sont plutôt des situations improbables et des personnages farfelus qui mènent la danse macabre se jouant en Afrique. A travers son vécu, Ptiluc (Pacush Blues, Pirat’s…) aborde l’épineux sujet africain par le truchement de l’aide humanitaire. Ainsi découvre-t-on effarés certaines réalités du quotidien de ces héros anonymes pétris de bonnes intentions pour certains, et pourris jusqu’à la moelle pour d’autres. De l’autre côté, la population d’un continent laissé à ses dérives, spolié par les pays développés. Le dessin au stylo bille et à l’aquarelle, précis sans en avoir l’air, est mis en page sur un fond au papier Canson qui occupe la totalité des planches. Teinté au gré des scènes, il tapisse l’ambiance tantôt désertique, tantôt en brousse, tantôt en studio télévisé. Il révèle toute la maîtrise de l’auteur : astuce pratique de créateur et fil rouge de l’harmonie visuelle. En abordant un sujet marginal, même si public, Ptiluc dénonce une fois encore le système en place, sans préoccupation des frontières, puisqu’il est mondial. Traité de la manière la plus légère possible tout en soulignant la violence aveugle et la cupidité ambiante, Jeux sans frontière est un appel à la paix déguisé en pamphlet. L’œuvre, sérieusement documentée, réussit le tour de force de la synthèse quasi exhaustive autour du sujet africain. C’est ironique, sérieux et intelligemment construit… lumineux, en quelque sorte !