L'histoire :
Une grande ville de province, à l’aube du XXe siècle… Le premier corps, retrouvé dans une ruelle au lendemain d’une nuit de pleine lune, est partiellement écorché au visage par des traces de morsures. Mais il comporte aussi des traces de strangulation, ce qui laisse courir la rumeur d’un loup-garou (ah bon, les loup, ça stragule)… Par la suite, les corps de pauvres ouvriers logeant tous dans le même quartier, sont retrouvés à intervalles plus ou moins réguliers, selon des procédés variables. Au lendemain d’une autopsie riche en découvertes, Adam, jeune étudiant en médecine, décide de se passionner pour l’affaire. Pour rassurer la population, la police arrête un individu et étouffe systématiquement les nouveaux meurtres dans les journaux. Mais Adam sait que « Corbeau », pseudonyme du suspect, est innocent… puisque les meurtres continuent alors qu’il est emprisonné. Tandis que les cadavres s’amoncèlent dans la fosse commune, Adam fait alors connaissance au cours d’une soirée mondaine de la ravissante Ombeline, fille d’un riche industriel local…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le titre de ce one-shot ronfle comme celui d’une série B un peu kitsch. Il sous-entend bien sûr la résolution brillante d’une enquête inextricable sur une série de meurtres tout aussi impénétrables, un petit bijou d’enquête policière que ne met pas en valeur un petit format souple. L’énigme de ces meurtres aurait comblé Conan Doyle, à qui l’on doit l’axiome idoine : une fois que vous avez exclu l’impossible, ce qui reste, aussi improbable que cela soit, doit être la vérité. Car aussi bizarre que cela puisse paraître, Régis Hautière orchestre une histoire de meurtres en série, sans tueur en série, et dont le principal coupable n’a jamais tué personne ! Vu d’ici, ça parait tiré par les cheveux, mais le mécanisme final est néanmoins limpide et parfaitement cohérent. Dans un genre policier où il est extrêmement difficile de se renouveler (jugez-en, par exemple, par la piètre qualité des derniers Ric Hochet…), Hautière prouve ici qu’il est plutôt carrément doué ! En outre, le scénariste a apporté un soin tout particulier aux dialogues. Pour son enquête, le héros étudiant en médecine se rapproche en tous points des méthodes policières élevées au rang d’Art par le célèbre Sherlock Holmes. A un sens infaillible de la déduction et à une persévérance cartésienne, ce détective en herbe ajoute également un certain penchant pour les méthodes modernes que sont la police scientifique et la balbutiante psychanalyse du Docteur Freud. Résultat : le récit est dense (155 planches !) et néanmoins passionnant. Aux côtés d’Hautière et pour sa première incursion dans le monde de la BD, le dessinateur David François prouve une grande maîtrise de cet art ! Son dessin adopte un style caricatural relativement balisé (on pense aux univers de Tim Burton), certes très talentueux, très artistique, mais manquant peut-être parfois de lisibilité. Au passage, les picards auront reconnu la ville d’Amiens au début du XXe (l’horloge, la bibliothèque, le quartier St-Leu, les hortillonnages, le « Courrier qui part »…), quartier général des deux auteurs. Les amateurs de polar vont se régaler…