L'histoire :
Octogénaire, Tolek Marber déambule dans une rue commerçante, jusqu’à une place où s’exhibent divers artistes de rue, cracheurs de feu, au milieu d’une foule garnie. Il interpelle deux jeunes, persuadé qu’ils sont des magiciens doués – alors que ce sont juste des pickpockets de la pire espèce. Il leur demande de l’aider, et promet de les rétribuer généreusement. Evidemment, les deux loustics sont intéressés ! Ils suivent le vieil homme jusque chez lui. Et en attendant qu’il leur explique ce qu’il attend d’eux, ils en profitent pour faucher quelques bibelots de valeur sur les étagères. L’octogénaire leur demande alors de « refaire marcher » un chapeau haut-de-forme magique, car il veut entrer de nouveau dedans. Les pickpockets sont légèrement interloqués par l’obsession de Mr Marber sur ce sujet. Ils le frappent et se barrent. Tolek Marber se réveille à l’hôpital, mais il n’a pas perdu son objectif n°1 : retourner dans le chapeau de Mr Pinon. Car il se souvient de son enfance, en 1939, année à laquelle il avait assisté pour la première fois au spectacle du grand magicien du monde, Monsieur Pinon ! Entre autre numéro, l’artiste disparaissait de la scène pour réapparaître dans le public. Tolek était allé jusqu’à le déranger dans sa loge, tellement il était subjugué. Agacé par cette intrusion, alors qu’il butinait deux magnifiques créatures, Pinon lui avait enfoncé son chapeau magique sur la tête… et Tolek s’était immédiatement retrouvé dans un monde enchanté, où gambadait un petit lapin blanc. Un monde enchanté, certes, mais aussi hanté par une créature démoniaque !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’arrière-plan de couverture mis à part, on ne comprend que tard que ce « conte moderne », autour de la magie et de la démence d’un vieil homme, agit comme une métaphore de la persécution antisémite des nazis. Le scénario de Bartosz Sztybor nous oriente initialement vers la sénilité d’un papy qui reste en proie à l’obsession infantile de percer les mystères des lapins blancs qui sortent des chapeaux des magiciens. La mécanique narrative alterne dès lors trois fronts : l’obsession au présent du vieux Tolek Marber ; en flashbacks, les fastes années du célèbre magicien Mr Pinon sous l’occupation nazie, à l’origine de la marotte de Marber ; et enfin les expériences oniriques dans le monde féerique des lapins blancs vécues par le vieux Marber. Chacun fait avancer l’intrigue et éclaire petit à petit les raisons de l’obsession de Marber. Ce one-shot n’est certes pas le récit le plus « éclairant » sur les années noires du nazisme, même sous le prisme de l’interprétation infantile (le film La vie est belle de Begnini est autrement plus puissant). Mais il a le mérite de prendre la question par un biais original et un traitement visuel convaincant. Grazia la Padula illustre en effet la parabole de sa talentueuse et élégante griffe personnelle, jouant idéalement avec les styles graphiques pour bien distinguer les séquences.