L'histoire :
Au printemps 2013. Paris se dote d’une nouvelle enceinte sportive. « Le nouveau stade de la capitale », tel pourrait être son nom. Sur le chantier, l’ouvrier d’origine marocaine Idir Lima est particulièrement fier de contribuer à son édification. Rendez-vous compte : en ce temple viendront jouer (et/ ou se produire) les plus grands noms. Et lui pourra dire : « C’est moi qui l’ait construit. J’y ai participé ». Magique ! La quarantaine bien tassée, Idir est père d’un jeune garçon qui préfère la lecture au sport et d’une fille, son aînée, qui elle, aime courir. Safia a la course dans le sang, de l’or en barres dans les jambes. C’est en tout cas ce que dit d’elle son professeur d’éducation physique et sportive. C’est une championne née. Mais incomprise par son papa. De confession musulmane, Idir refuse de voir l’adolescente exhiber ses formes aux yeux de tous. Le sport est d’ailleurs une affaire d’hommes. Le football, ça c’est un vrai sport ! Les soirs de match, l’ambiance est électrique chez la famille Lima. Madame ne dit rien mais soutient en silence la passion de sa fille. Idir a oublié que, dans sa jeunesse, au pays, il aimait aussi courir et adorait Mimoun ou Bikila…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le titre est à comprendre au sens propre comme au figuré. Une première fois édité chez Emmanuel Proust en 2008, le Marathon de Safia reparait en grand format chez Paquet à l'occasion des JO de 2024... dont c'était déjà le sujet sacrément prémonitoire ! Le récit propose le parcours difficile d’une jeune lycéenne aimant courir et rêvant d’or olympique. D’origine marocaine et de confession musulmane, son père refuse de la voir s’exhiber comme pourrait le faire un homme, oubliant aussi les champions de sa jeunesse, Mimoun et Bikila… Didier Quella-Guyot, professeur amoureux de bande dessinée, ouvrait à l'époque une collection Atmosphères sport... qui n'a pas eu grand avenir. Cette collection était néanmoins soutenue par le Ministère de la Jeunesse et des Sports et la chaîne Eurosport. En un volume, Quella-Guyot traite de sport, d’avenir et de la problématique féministe, quelques années avant que celle-ci prenne l'ampleur qu'on lui connait aujourd'hui. Emancipation féminine, mélange des cultures, héritages et modernité, rapports générationnels, etc. La liste est fournie. Le scénario est intelligent – voire trop lorsqu’il confond le champion Mimoun avec le vent du Sahara appelé « simoun » que peu doivent connaître. Chaque personnage témoigne d’une profondeur certaine et la sensibilité avec laquelle ils sont traités, rappelle celle de Tito sur la série Tendre banlieue. Loin des clichés, proche des réalités quotidiennes. Un regret ? L'album montre force et concision, mais il est un peu court pour traiter d’un sport qui exige tant d’efforts et de maturation. La course et le marathon sont trop absents des planches quand le football et les thématiques sociales vampirisent l’ensemble. Côté dessin, Sébastien Verdier livre un travail soigné, réaliste et documenté. On regrettera seulement les traits parfois très marqués des visages qui donnent, par exemple, à Safia la presque quarantaine quand elle n’en a que 26 (l’effort n’excuse pas tout !). On note enfin l'incroyable et aigre pressentiment des auteurs, concernant la féminisation du marathon face à l'endoctrinement religieux, au regard de la remise des médailles qui s'est authentiquement déroulée le 11 août 2024. La vainqueure Sifan Hassan qui court tête nue, portait pour cette occasion le hijab comme un manifeste politique...