L'histoire :
Si Mamada est la chef de sa tribu de himbas, dans un coin paumé de la steppe namibienne, c’est avant tout parce que c’est elle qui, de tous, a le plus mauvais caractère. Elle est intransigeante avec sa fille (plutôt moderne), qui doit masquer ses chevilles indécentes avec des baskets montantes ; elle est autoritaire avec son sorcier, qui doit lui fournir un gri-gri pour qu’elle soit meilleure chasseuse ; elle est agressive avec les touristes, qui viennent photographier les siens comme dans un zoo. Or ce jour-là, alors qu’elle pense que son gri-gri va l’aider à décocher une flèche sur un zèbre, elle est aux premières loges pour assister au crash violent d’un objet céleste. Au fond du cratère généré par la chute d’une mystérieuse sphère, s’échappe alors une sorte de substance, de gaz rosâtre, que respirent un petit oiseau et… Mamada. Elle l’ignore encore, mais ce gaz vient de lui conférer un super pouvoir, relativement difficile à maîtriser. Elle s’en aperçoit quelques minutes plus tard, quand elle beugle sur les touristes de son village pour qu’ils disparaissent tous : elle se retrouve alors instantanément téléportée dans une rame du métro parisien. Estomaquée par ce nouvel environnement démentiel, elle comprend néanmoins qu’elle est sous terre. Elle est donc dans le royaume des morts ! Crispée, elle fait aussitôt disparaître la foule qui l’incommode (et qui se retrouve téléportée dans sa steppe de Namibie)…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les 3 tomes de Majipoor et les 7 volumes du Voyage des pères terminés, David Ratte se lance dans une nouvelle aventure, toujours avec beaucoup de malice et d’humour. Voyez en couverture : quoiqu’elle en dise, Mamada est un personnage franchement pittoresque. Cette chef de tribu bedonnante et caractérielle, couverte d’une pommade d’argile rouge et vêtue de sa tenue tribale traditionnelle, hérite dans cette mise en bouche de ce qui ressemble à un super pouvoir. Dans ce premier tome, sur le même style de dessin semi-réaliste et caricatural que pour Le voyage des pères (avec des cases aux bords arrondis), ce pouvoir se limite à la téléportation et à la résurrection (tout de même !). Ce qui permet à cette héroïne truculente de débarquer avec des yeux écarquillés dans notre monde urbain contemporain et de sympathiser avec une jeune suicidaire. Première bonne idée : une himba en tenue traditionnelle dans le métro, voilà un choc de civilisations et de modernité, un terrain toujours propice à l’humour (cf. les films Les visiteurs, Un indien dans la ville…). Deuxième bonne idée : affubler cette mégère en super-pagne de supers-pouvoirs dignes des super-héros américains en supers-slips. Ratte prouve une fois de plus qu’il n’aime rien tant que le dépoussiérage des mythes ! Le pouvoir qui tombe du ciel entre les mains d’une bochiman qui ne sait qu’en faire, rappellera aussi à beaucoup de lecteurs le film Les dieux sont tombés sur la tête. Néanmoins, Ratte s’inspire peut-être juste de ce film pour son contexte de départ, mais la suite de l’histoire n’a plus rien à voir. Avec ce premier tome, l’auteur plante un décorum et une problématique étonnants, et il s’ouvre en grand les portes de nombreux développements narratifs possibles et de situations comiques. D’où provient cette substance ? Que va donner l’alliance de Mamada avec la jeune Sidonie ? Vous le saurez en vous téléportant avec Madada dans le Kaokoveld namibien…