L'histoire :
Scipion Nisimov est un drôle d’oiseau au bec recourbé, fumeur, élégant et un peu rêveur. Il aime se promener dans la nature, mais encore plus dans sa tête. Profitant de ses vacances, il flâne par monts et par vaux et croise la roulotte de Tchavolo, un aimable itinérant qui cherche le chemin de la rivière. L’accompagnant jusqu’au cours d’eau, Scipion sympathise avec le bonhomme et reste avec lui pour une partie de pêche. Le soir venu, notre oiseau regagne son domicile où il sait qu’il va retrouver sa fiancée Daphné. Mais là, ô vie cruelle, il la surprend au lit avec un taureau costaud. Le monde semble s’écrouler. Comme écrasé par un poids monumental, perdu dans ses pensées, Scipion se retrouve machinalement aux côtés de Tchavolo. Ce dernier lui joue un air tzigane à la guitare et Scipion en oublie un temps son malheur. Or, dès que Tchavolo arrête de jouer, Scipion replonge dans sa déprime. Le tzigane lui offre alors un violon et commence à lui apprendre la magie de sa musique. Quelques jours passent ainsi, les deux zigotos nouant une profonde amitié. Puis les vacances de Scipion se terminent. Tchavolo reprend la route et Scipion reprend son poste au bureau, un violon sous le bras…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En couverture, un canard passe devant la lune à dos de poisson… une sorte de croisement entre Walt Disney, Arizona Dream et E.T. en quelques sortes. Quel conte incroyable se cache derrière une couverture d’un tel lyrisme ? Après deux one-shots couverts de prix (Sumato et Betty Blues, également édités dans la collection Blandice : 5 récompenses à eux deux !), Renaud Dillies réitère avec ce coup de crayon bien à lui et ce sens inouï de la poésie graphique. Il excelle véritablement lorsqu’il s’agit d’illustrer un sentiment à l’aide de métaphores. Par exemple, lorsque le héros Scipion découvre Daphné au lit avec un autre (une brute épaisse, sans intérêt : tout son contraire), le monde s’écroule véritablement autour de lui et il repart réellement avec une masse de 100 fois son poids sur les épaules. L’auteur utilise aussi d’autres astuces visuelles, telles que des fiches techniques ou des enluminures, toujours en adéquation avec le moment. Mais revenons au propos. A l’origine de la fable, Dillies veut rendre hommage à la musique de Django Reinhardt, musicien incarnée en Tchavolo. Zoomorphique, le personnage est en dehors du temps, mais la puissance de son talent rend son langage musical universel. Une fois que Scipion a croisé sa route, il ne peut plus voir la vie de la même façon. Une simple rencontre déclenche une remise en question, hélas fatale. Car dans ces conditions, cette « mélodie crépusculaire » a beau être pétillante, elle s’avère en fait une triste complainte : le monde est cruel, la vulnérabilité du héros ne trouvera pas d’échappatoire. Un récit magique, d’une grande sensibilité malgré ses aspects dramatiques.