L'histoire :
En 1998, le mexicain Tony se morfond dans son patelin poussiéreux de Ciudad Obregon. Il sait son avenir de dessinateur complètement bouché s’il reste là. Il rêve de pouvoir rejoindre sa petite amie Suzanne, étudiante à Portland, sur le nord de la côte ouest, afin de tenter sa chance sur le marché des comics américains. Hélas, son visa est refusé, sans réelle explication… à part peut-être l’état minable de son compte en banque ? Tony prend alors une décision folle et radicale : il traversera quand même la frontière, par ses propres moyens, illégalement, comme des milliers d’autres clandestins. Sa mère tente de le dissuader : ce projet est dangereux. Son père n’est pas plus rassuré, mais il comprend. Tony part donc à Nogales en bus et se rapproche d’un passeur sympa, Ramiro. La première tentative, trop naïve, est un cuisant échec. Le trou dans le grillage qui court tout du long de la frontière aboutit sur un contrôle de police. Tony est calmement embarqué dans une fourgonnette pour une batterie d’identification et une reconduite express sur le territoire mexicain. Il culpabilise, bêtement. Il informe Suzy par téléphone de sa déconfiture. Mais il ne désespère pas… et retente une seconde fois la traversée…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’existence même de ce bouquin est la preuve que l’issue de l’épisode autobiographique qu’il relate est heureuse : Tony Sandoval a effectivement pu rejoindre le monde occidental et percer sur son marché des BD et des comics. Depuis 1998, date à laquelle il a donc passé illégalement la frontière mexicaine, il a d’ailleurs beaucoup œuvré. Notamment, les éditions Paquet l’ont avantageusement accueilli : il est très prolifique au sein de la maison d’édition suisse, il a même pu y créer une collection, Calamar, un « écrin dans lequel les artistes peuvent déposer sans crainte tout leur raffinement ». A l’image de l’ensemble de son œuvre, le style graphique est ici caricatural et stylisé, pour une cohérence visuelle parfaitement maîtrisée. Par leurs trognes bien marquées et relatives à leurs états d’esprits, les protagonistes sont diversement attachants ou patibulaires. Dans le fond, son aventure authentique ne se montre jamais tout à fait spectaculaire, ni héroïque : on sent chez Sandoval le désir de témoigner au plus juste son expérience personnelle. Il cherche avant tout à expliciter les différents sentiments qui le traversent, sans réellement porter de jugement sur les logiques économiques et politiques qui ont amené cet état de fait. L’histoire comporte tout de même son lot de frissons (les pirates nocturnes !) ou de doutes, dans tous les cas une violence psychologique d’autant plus efficace qu’on sait que tout est vrai. Bien que situé à la frontière entre le Mexique et les USA, ce témoignage fait écho à l’actualité plus proche que connait notre Europe, avec l’afflux d’exilés politiques en provenance des pays gangrénés par l’islamisme radical.