L'histoire :
Dans l’Amérique rurale des années 30 – après la crise – la jeune Kathryn s’évertue à jouer un honorable rôle de bibliothécaire ambulante. Elle sillonne les Appalaches à cheval, apportant des bouquins dans les fermes isolées ou faisant la lecture aux vieilles dames illettrées ou aveugles. Les périls sont pourtant nombreux, entre les pistes rendues impraticables par les éboulements ou les crues… mais cette book lady ne transige pas avec sa vocation. Elle est aussi parfois froidement accueillie, comme ce jour-là à la cabane des Trivette. Ces trois frères bouseux – Eugène, Norman et Lonnie – vivent à l’écart avec leur vieille maman dans un taudis et ils savent se montrer violents. Ils sont d’ailleurs redoutés par toute la région. Kathryn méprise leurs menaces et leurs remarques sexistes. Elle est venue faire la lecture à la vieille Ann, malade et alitée. Kathryn en repart avec quelques conserves en remerciement, non sans avoir essayé de convaincre la famille d’envoyer le plus jeune, Lonnie, à l’école. En repartant, elle assiste à une altercation violente entre Norman Trivette et Joseph Ward, au sujet de la femme de ce dernier. Eugène Trivette finit par dégommer Ward à coups de carabine. Suite à la détonation, le cheval de Kathryn s’emballe et se jette avec elle dans un ravin boisé. Les frères Trivette n’ont plus qu’à vérifier qu’elle est bien morte, ce qui lui évitera de témoigner contre eux. Malheureusement pour eux, Kathryn a survécu…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le Kentucky rural et paupérisé des années 30, soit juste après la crise de 1929, est le cadre idéal de ce western à la fois « social » et violent. L’héroïne est une « book lady », une bibliothécaire ambulante, une étonnante vocation culturelle qui a authentiquement existé, comme l’indiquent les ressources iconographiques présentées dans les pages de garde de ce one-shot. Cette book lady va de ferme en ferme pour apporter la culture, sous forme de prêts de livres ou de lectures à voix haute, pour les illettré(e)s. Hélas, notre héroïne va tomber sur l’expression paroxystique de l’abrutissement humain : les frères Trivette. En devenant témoin malgré elle d’un meurtre gratuit, elle se retrouve victime d’une traque redoutable, avec tout ce qu’il faut d’alliances, de pièges, de brutalité crasse… On ne peut s’empêcher de rapprocher ce western-thriller du film Délivrance, en raison du cadre identique – les Appalaches des rednecks. La tension et la rage ne font que monter, le lecteur se retrouve totalement subjugué par la narration exemplaire de Séverine Gauthier. La scénariste connait bien la culture américaine (amérindienne, surtout : elle en a fait une thèse) et elle l’a prouvé avec le western Virginia, déjà dessiné par Benoît Blary. Ce duo d’auteur fonctionne une nouvelle fois très bien. Le réalisme brut de Blary et son jeu de lumières au lavis, se révèlent parfaitement adaptés pour exacerber la sauvagerie des rednecks.
