L'histoire :
Par une chaude journée de juillet 1914, tandis que les hommes fauchent le blé à proximité du petit village turc de Dendil, on s’inquiète des rumeurs de guerre en Europe. Le maire turc Hussein aide son ami arménien Arakel dans les champs, tandis que les ados des deux familles leur servent de porteurs d’eau. Ali et Mikael sont de bons amis, mais ils se méfient du vieux Mehmet, un turc sunnite et rentier, issu d’une famille noble, qui souhaite que son pays entre dans une ère moderne. Le soir venu, au sein de la famille de Mikael, son père, sa mère et sa petite sœur Anouche font la prière chrétienne avant de passer à table. Trois mois plus tard, on annonce que la guerre a commencé en Europe. On craint que si l’empire Ottoman entre dans cette guerre, ce soit du côté allemand. Une partie de la communauté arménienne devra alors se battre contre leurs frères vivant de l’autre côté de la frontière russe. Cette situation ne plait à personne. Mais en avril 1915, les services de la mobilisation obligatoire frappe à la porte d’Arakel Hagopian. Il doit faire son sac et suivre les militaires turcs insistants. Avant de partir, il a juste le temps de confier à sa femme un révolver. Puis, baluchon sur l’épaule, il rejoint un groupe composé d’autres arméniens, accompagnés à pieds sous bonne escorte à quelques distances du village…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans la chronologie de l’humanité, il n’est sans doute pas pire horreur qu’un génocide. Celui perpétré par les turcs sur le peuple arménien à partir de la fin du XIXème, mais surtout entre 1915 et 1923, n’a pas manqué d’être abominable. Déportations, famines, massacres directs, avec la volonté claire d’extermination. Un texte en préambule rappelle son ampleur, qu’il faut bien quantifier en nombre de morts : les historiens s’accordent sur le chiffre de 1,2 million de tués, soit les deux tiers des arméniens qui vivaient sur le territoire turc actuel. Aujourd’hui, la Turquie et l’Azerbaïdjan, les deux nations responsables de cette effroyable tuerie de masse, la nient toujours. Pire : ils continuent de guerroyer contre les arméniens et les kurdes pour leur refuser leur indépendance. La république d’Artsakh a notamment dû rendre un tiers de son territoire au terme de la seconde guerre du Haut Karabagh, en 2020. Comme souvent dans les ouvrages des éditions Petit à Petit, les séquences BD sont entrecoupées de focus pédagogiques (9 fois 4 pages), avec tout ce qu’il faut d’infos historiques, d’iconographie, de cartographie, de précisions géopolitiques. Le récit BD en lui-même suit une trame unique. Il met en scène au fil des jours et des semaines le destin atroce d’une famille arménienne d’un petit village, qui se retrouve séparée, déracinée, disloquée, exterminée. Poignant, parfois jusqu’à la nausée, le scénario se montre à la fois didactique et explicite, sans céder au pathos. Il est assuré par deux auteurs d’origines arméniennes, Jean-Blaise Djian et Gorune Aprikian ; mais étonnement, le dessinateur est un coréen bien connu du 9ème franco-belge : Kyungeun Park.