L'histoire :
Né en 1915, Laurent Schwartz grandit à Paris pendant la première guerre mondiale, au sein de sa famille juive d’origine alsacienne. Il est un étudiant brillant qui intègre la prestigieuse École Normale Supérieure de Paris. Il y rencontre sa future épouse, Marie-Hélène Lévy, avec qui il se mariera en 1938. Les mathématiques ne sont pas sa seule passion, il est également très sensible aux problèmes politiques et sociétaux de son époque. Alors qu’il avait initialement pensé adhérer au Parti Communiste, la Grande Terreur organisée par Staline le pousse à se retourner vers la IVe Internationale de Trotski qui conjugue le rejet du système capitaliste et le mépris pour le régime staliniste. Suite à la débâcle de 1940, Laurent et Marie-Hélène sont obligés de s’enfuir en zone libre à Toulouse, puis à Clermont-Ferrand et enfin à Grenoble pour échapper aux arrestations des juifs. C’est à Clermont-Ferrand qu’il commence à côtoyer et à travailler durement avec les mathématiciens du groupe Nicolas Bourbaki. Retrouvant un peu de calme, il élabore une de ses réalisations majeures avec la théorie des distributions, aux nombreuses applications futures, qu’il publiera dans deux volumes en 1950 et 1951. C’est l’heure de la consécration. Il reçoit la médaille Fields en 1950 au Congrès International de Boston, en dépit de son passé trotkiste qui le rend indésirable aux USA. Son engagement politique s’enflamme lorsque le mathématicien Maurice Audin est arrêté par les parachutistes français à Alger en 1957 et conduit au centre de torture d’El Biar, accusé d’être communiste et engagé contre le colonialisme. Quelques jours plus tard, les autorités annoncent que Maurice se serait évadé. Sa femme Josette, doutant immédiatement de la version, écrit des dizaines de lettres dont une à Laurent Schwartz. Ce dernier se lance immédiatement dans la lutte en participant activement au comité Audin pour la recherche de la vérité. Après ce déclencheur, Laurent Schwartz ne cessera de combattre la torture et les sévices faits aux civils lors des manifestations anticoloniales.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce nouveau Docu-BD des éditions Petit à Petit permet de découvrir l’histoire très mouvementée d’un des mathématiciens les plus connus au monde, tant les travaux ont été novateurs. Si l’ouvrage passe un peu de temps pour expliquer brièvement ses travaux, c’est davantage sur les engagements politiques de Laurent Schwartz qu’il se consacre. Alternant planches dessinées illustratives et encadrés documentés, on en apprend donc beaucoup sur le communisme, la guerre d’Algérie, l’affaire Audin, le tribunal Russel et la Guerre au Vietnam. On y apprend même la passion d’entomologiste de Laurent Schwartz, grand collectionneur de papillons, qui a donné son nom a une espèce de Morpho. Le tout est raisonnablement intéressant, bien que les planches dessinées précises et expressives de Stefano Realdini se contentent trop souvent d’illustrer des instants de vie sans beaucoup apporter aux documents. L'ouvrage souffre du mal des répétitions, un écueil classique des Docu-BD. Le parti pris de la scénarisation d’Emmanuel Marie, en dix chapitres thématiques, plutôt que chronologiques, n’améliore pas les choses à ce sujet et embrouille un tantinet la perception dans le temps des évènements. Néanmoins, l’album réussit sans problème à montrer les nombreuses facettes du grand homme, à la fois humaniste, passionné et grand scientifique. Les lecteurs pourront sans doute y voir un modèle d’activisme raisonné et inspirant.