L'histoire :
En fouillant dans le grenier du manoir familial, Benjamin Kergalec, apprenti poète, trouve une vieille montre à gousset. Il se l’approprie et repart en direction de la capitale, où un petit piston lui permet de rédiger quelques piges au sein de la rédaction du Temps, quotidien parisien. Dans la diligence, il tente de mettre sa montre à l’heure et se pique involontairement le doigt à la trotteuse. Le lendemain, il essaie de « vendre » à son rédac chef, un ami, sa nouvelle vocation : la poésie (il a également trouvé quelques vers dans le grenier familial…). Ce dernier lui confie alors un recueil de poème de Baudelaire : « avant de rimailler, il faut avoir lu les maîtres ». Un peu plus tard, dans la grande salle de travail du Temps, Benjamin tente une nouvelle fois de régler sa montre. Mais en appuyant sur un bouton, il s’aperçoit que tout autour de lui se fige : le temps s’est arrêté pour toutes choses ou personnes, sauf pour lui ! Il l’ignore encore, mais il n’est pas le seul à avoir conservé sa liberté de mouvement. A différents endroits, certains protagonistes s’aperçoivent stupéfaits que ce phénomène oublié depuis 40 ans vient soudainement de se répéter…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La possibilité de figer le cours du temps est un fantasme vieux comme le monde, mais relativement jubilatoire (faut dire ce qui est !). Ce principe a déjà fait l’objet (entre autre) d’un épisode culte de la 4e dimension et constitue (par exemple) le cœur de la série Phenomenum. Mathieu Gabella l’embrasse volontiers dans ce one-shot, pour l’une de ses premières BD, éditée par Petit à Petit, bien avant le succès d’Idoles, la Licorne ou autres 7 prisonniers. On retrouve ici les forces et les limites de la Gabella’s touch, à savoir un scénario dense, intelligent, d’une belle maturité… mais d’une lisibilité moins évidente. Attention : cette histoire fantastique reste tout de même parfaitement intelligible et en ravira plus d’un, notamment en raison se son graphisme tout aussi maîtrisé et astucieux. Aux crayons et aux pinceaux, Anthony Audibert marrie des traits anguleux et des courbes débridées, dans un style qui rappelle vaguement celui de Cyril Perdosa (ce qui n’est pas la moindre des références). Un traitement de colorisation particulier et original, assez terne et uniforme, aurait tendance à « aplatir » le tout dans des teintes glauques, ocre ou sépia… En outre, eut égard aux séquences de temps figés, donc statiques, certains arrières plans sont dupliqués. Pour rendre le tout plus lisible, les protagonistes libres de leurs mouvements s’y déplacent alors entourés d’un contour lumineux ad hoc. Un petit one-shot qui sort du lot, intéressant et annonciateur de carrières prometteuses…