L'histoire :
Pour les Français, la seconde guerre mondiale fut vite perdue. En tout cas, pour le corps de son armée, mais clairement pas pour son ombre, ni son cœur. Derrière les barbelés d’un camp, sur le quai d’une gare, lisant son journal ou fomentant contre l’ennemi, la Résistance s’est vite organisée. Tout un réseau de courage et d’abnégation, tout un maillage d’hommes et de femmes aux visages de marbre mais aux cœurs purs. L’histoire initialement relatée par Joseph Kessel nous entraîne dans les pas de certains d’entre eux, dans leurs combats comme dans leurs désillusions, dans leur camaraderie comme dans leur trahison, toujours vaillants malgré la peur qui s’immisce de toutes parts. Gagnez l’anonymat et suivez Gerbier, ce discret moustachu à lunettes, qui saura vous amener derrière le décor, loin des médailles et des projecteurs, dans une lutte sans gloire et pourtant nécessaire, du Sud libre au Nord occupé, des campagnes françaises aux quartiers bombardés de Londres, de la France malheureuse à l’utopie de la libération.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La Résistance fut un travail de fourmis, sans renommée ni gloire, mais sans laquelle nous n’aurions pu nous asseoir à la table des vainqueurs en 1945. De Gaulle le savait, et c’est à dessein qu’il orienta Joseph Kessel vers la réalisation de ce roman en 1943, choisissant les mots comme une arme de propagande, gonflant le moral des oubliés de l’Histoire et mettant en lumière ce combat des Résistants aux yeux du monde. Comme l’écrivain le dit lui-même dans le très intéressant addendum de fin d’ouvrage, le romancier s’effaça derrière l’historien, les faits prirent le dessus sur la création, et la fiction n’eut nulle place dans l’écriture. C’est donc tout naturellement que ces pages noircies d’encre sont aujourd’hui adaptées par Jean-David Morvan et mises en images par Emmanuel Moynot, dans le but de transmettre ce témoignage et de livrer à une nouvelle génération le fin tissage de ce que fut la Résistance, entrelaçant les récits pour ne former qu’une histoire, et laissant interagir celles et ceux qui ont choisi d’être traqués plutôt que de plier l’échine. On pourrait reprocher aux dessins de parfois perdre le lecteur, les visages se confondant d’un allié à un autre et les noms ayant tendance à se faire oublier aussitôt qu’ils sont lus. Mais n’est-ce pas finalement le propre de la Résistance que de chercher un anonymat de chaque instant et de chaque endroit ? On pourrait aussi reprocher l’absence de repères temporels dans cette fresque ombreuse ; mais là encore, l’immersion dans les rangs de la Résistance exige sans doute une méconnaissance de ce qui se déroule hors des frontières, comme si les mots griffonnés sur des papiers froissés devaient être notre seule ligne de conduite.
