L'histoire :
Août 2009, Benoît Barale rend visite à ses parents. A l'occasion d'une discussion avec sa mère, celle-ci lui lance : « Moi, je trouve que tu as raté ta vie ». Elle fait bien sûr allusion à son métier d’auteur BD. C'est l'élément déclencheur d'un long cheminement, où l'auteur va se pencher sur son enfance et l'ensemble de sa vie de (maintenant) quinquagénaire. Ce passionné du médium bande-dessinée, impliqué dès le début des années 90 dans le milieu, tout d’abord au sein de divers fanzines, puis en librairie aux éditions PLG qui le soutiennent, est deux fois papa, avec deux femmes différentes, et va devoir assumer cassures et déboires consécutifs. Il raconte son parcours difficile, réaliste, mais passionnant.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
« Le simple fait d'errer dans le désert n'implique pas l'existence de la terre promise ». Cette citation de Paul Auster, en frontispice de l’ouvrage, résume bien ce que l'auteur a du ressentir lors de sa genèse. La sincérité avec laquelle il analyse et retranscrit son vécu apporte un ressenti de sérénité, malgré le ton tendant à la déprime, d'un auteur qui n'arrive pas à décoller. Il avoue en effet avoir vécu une décennie 90 plus satisfaisante, auprès de ses amis « fanzineux » découvreurs de son personnage de Bertrand le goéland, ses premiers fanzines Ane d'aujourd'hui, Le journal de Benoît... que celle des années 2000, au sein desquelles les éditions PLG lui ont pourtant offert une reconnaissance bienvenue, quoi qu’un peu isolée. Tout au long de ce roman graphique tendre, juste et passionnant, Barale témoigne d'une certaine scène de la bande-dessinée de ces années-là : celle des petits salons, des fanzines amateurs et de la micro édition. En dévoilant ses découvertes et passions d'enfance, il nous replonge dans nos propres lectures formatrices, et en dessinant les protagonistes croisés, il évoque les principaux acteurs de ce milieu, et la scène BD du Sud : Big Ben du Phacochère, devenu Comix Club, le festival de Bourg les Valence, ceux de Juan les Pins, son premier Angoulême en 2001, JC Menu et l'association, mais aussi sa relation aux éditeurs. C'est, de même, l'occasion d'une mise en abime de ses propres travaux, qu'il revisite « dans son jus », sur quelques pages, tel Blam, fameux personnage d'un One Shot, tandis que quelques transitions de texte pur donnent un aspect roman à l'ouvrage. Où l'on réalise le talent véritable de Benoît Barale, dont le trait simple, ample, à l'encrage (finalement) maitrisé, s'inscrit dans une tradition de la ligne claire. S'il a été associé longtemps à la culture fanzine, il évoque aujourd'hui d'autres très bonnes BD fonctionnant pas trop mal en librairie. Rayon de soleil et bel hommage au médium, lisez-le ! Ce (dernier) titre introspectif a reçu le prix « Papiers Nickelés 2019 du meilleur ouvrage sur la Bande Dessinée » au SOBD 2019.