L'histoire :
Vallée del Cauca, Colombie, 1972. Un père est avec son fils devant une imposante statue de leurs ancêtres. Le petit est épaté par leur réalisation et son père lui explique que c’était d’autant plus difficile sans les outils d’aujourd’hui. « Alors, ils étaient forts » remarque l’enfant. « …N’oublie pas mon fils, la force n’est rien sans la fermeté du cœur et de l’âme »…et ils prennent le chemin du retour. Bientôt un Range Rover s’engage sur la piste et s’arrête à leur hauteur. Un individu antipathique en descend. Il demande aux deux campesinos ce qu’ils cultivent sur leur terre. Et comme bien sûr, ce n’est pas de la coca, avec ses hommes de mains, il flanque une raclée au père. A leur retour au village, les hommes sont réunis sur la place, en armes, prêts à en découdre avec les narcos qui les maltraitent depuis trop longtemps. Pendant ce temps, à La Havane, la vie s’écoule tranquillement pour Estevon et sa famille. C’est pourquoi l’arrivée de la police vient troubler le calme qui régnait dans le patio. Pas de panique, c’est Carlos, le beau-frère d’Estevon, qui vient dire bonjour. Yuri, le fils de la maison, demande s’il peut aller chez son ami Fidel qui a quelque-chose à lui montrer. Sur le chemin, Carlos les rattrape et leur offre une paire de gants de boxe à chacun, en provenance directe de Moscou. Les enfants sont ravis…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Premier tome d’un diptyque sur le monde de la boxe dans l’Amérique du sud des années 70, Manitas semble représentatif de l’ambiance qui régnait en Colombie et à Cuba à cette époque. Le trait singulier de Michel Coline et ses couleurs sobres apaisent l’atmosphère étouffante de ce drame latino. La vie est rude pour chacun des héros de cette histoire. Yuri grandit sous le joug castriste et Ernesto sous celui des narcotrafiquants. Chacun à sa manière, celle de la rue pour Ernesto, et plus académique pour Yuri, ils gravissent les marches du succès dans leur domaine : la boxe. Mais leur ascension n’est pas un long rio tranquille, surtout pour Ernesto qui opte pour le chemin des voyous. Fred Le Berre scénarise une histoire sombre (sur plusieurs années, puisqu’on en voit grandir les héros), avec le prétexte de la boxe parce qu’il permet d’aborder les deux camps par un angle populaire. Depuis ce point de vue, le piège social apparait clairement et révèle deux prisons, l’une aux barreaux plus dorées que l’autre, Cuba. Pour autant, la liberté et la vie ne valent guère plus pour le gouvernement communiste que pour les narcos de Cali. Les moments apaisés, où le quotidien est plus doux, se déroulent en famille chez Yuri. Pour Ernesto, sanguin et impulsif, qui trouve la tempérance de son père inappropriée, c’est plus compliqué. Et l’environnement hostile de la campagne colombienne aux mains des narcos ne stimule que ces pulsions de violence. Cette histoire réaliste (à suivre dans un tome 2) de deux gamins passionnés de boxe et différents par tous les autres côtés, pourrait se dérouler aujourd’hui pour ainsi dire, tellement Cuba est figé entre deux époques, et que les narcotrafiquants ne baissent pas les armes en Colombie. Ce premier épisode termine sur une note dramatique pour chacun des deux boxeurs en pleine ascension, même si, une fois de plus, le tableau contient moins d’espoir pour Ernesto, victime d’une terrible manipulation…