L'histoire :
Vasco traverse le Guatemala puis le Salvador, avant de faire halte à Granada, au Nicaragua. Un guide touristique à la main, il s'intéresse à l'histoire du pirate William Walker, auto-proclamé président après avoir incendié la ville et instauré l'esclavage. Flânant dans les rues, il s'attarde un moment devant un enterrement au cortège majestueux. « Elle s'appelle Adela » dit-on dans son dos. Un jeune homme à lunettes contemple la scène depuis un moment et se demande ce qui justifie cette cérémonie en grandes pompes en l'honneur de la belle. Il raconte ensuite l'histoire de la jeune femme, disparue emportée par un tourbillon dans le lac Cocibolca. Vasco est dubitatif. Le jeune homme explique qu'il est écrivain, en voyage pour trouver de nouvelles idées. Habitué au roman d'épouvante, il est censé écrire la biographie d'un aventurier du début du XXème siècle. Or arrivé au Nicaragua, il perd sa trace et se retrouve à cours de matière. Quant à Vasco, il a également perdu la piste de Juan Sans Terre, puisque celui-ci était sensé avoir travaillé auprès d'artisans de Granada et qu'aucun d'entre eux n'a pu le renseigner. Heureusement, le jeune homme l'aiguille sur Ometepe, la grande île du lac. Là, vit une petite communauté d'artisans. Il n'en faut pas plus à Vasco pour prendre le premier Ferry en partance. Pendant le chemin, il se remémore son escale au Guatemala qui l'a, par ricochets, mené sur ce bateau voguant une fois encore vers l'inconnu. A bord, il fait la connaissance d'un individu antipathique, qui ne jure que par les reportages des chaînes satellites et prône de rester chez soi, plutôt que de voyager. Ce sera l'occasion pour Vasco de le mettre en boîte à ses dépens, une manœuvre qu'il affectionne particulièrement ! Lorsqu'il débarque enfin, il lui faut trouver la ferme Martin. Facile de jour, beaucoup moins la nuit. Or il fait nuit…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce deuxième volet des voyages de Juan Sans Terre, Vasco est toujours à la recherche de son ami, cette fois au Nicaragua. Après une immersion chez les guérilleros zapatistes du Mexique, il va cette fois prendre part à une action contre des individus peu scrupuleux qui gèrent un centre d'accueil pour enfants. Ces derniers ponctionnent en effet l'essentiel des dons à des fins personnelles afin, dans les années 80, de soutenir la guérilla anti révolutionnaire (La Contra) en y injectant des fonds secrets américains. En avançant dans cette histoire, on se rend compte que, plus que le but, le chemin est essentiel. Et la tournure humaniste de l'investissement de Vasco, au fur et à mesure de sa quête, n'est finalement pas un hasard. Il y a sens à tout ça et la profondeur de l'œuvre est à la mesure de la manière dont l’auteur, Javier De Isusi, essaie de le masquer. Même dans le minimalisme du dessin noir et blanc, il parvient à épater par la constance des traits des visages, pourtant nombreux et expressifs. Une couverture de belle facture et de bon goût (au niveau des couleurs) présente Vasco dans une pose à la Corto Maltese. Ça a de la gueule ! Autant que la plupart des personnages qui ne mâchent pas leurs mots et n'hésitent pas à montrer les dents dès que la situation le requiert. Et dans cette jungle qu'est le monde moderne, il faut parfois se faire mordant si l'on veut conserver un peu de liberté. C'est un des messages des héros de cette belle histoire pleine d'humour. Humour d'autant plus honorable, qu'il trouve sa source dans des situations humanitaires délicates et que tout est inspiré de faits réels : c'est l'histoire de notre époque. Avec la mondialisation, tout est interconnecté ; ce qui se passe en Amérique centrale nous concerne donc aussi. Les voyages de Juan Sans Terre nous livrent un peu de la rude réalité de ces pays oubliés par les médias, et ils le font avec l'intelligence du cœur. Militant et touchant !