L'histoire :
Au sud du Mexique, proche de la frontière guatémaltèque, Vasco étudie une carte étalée sur le capot de son pick-up. Il allume une pipe et a une quinte de toux. En reprenant la piste, il tombe rapidement sur un barrage. Deux soldats lui demandent de descendre du véhicule afin de vérifier son identité. Ils le questionnent sur sa destination. « La lagune Miramar » répond-il. Le gradé est dubitatif, les étrangers répondent toujours la même chose et on les retrouve dans le bastion zapatiste de La Realidad. Le visiteur part ensuite dans une digression comique au dépend de ces individus soupçonneux. Ils finissent par le laisser partir. Puis, cap sur… La Realidad. Nouveau contrôle à l'entrée du village, par les zapatistes cette fois. Vasco explique qu'il amène la voiture de liaison à la place de Fernando, qui n'a pu venir. Il a un laisser-passer qui prouve sa bonne foi. Depuis le haut du fossé qui borde la piste, un jeune homme demande où est Fernando. Il dit s'appeler Solin, un nom étrange qui s'accorde bien avec l'air rieur qui l'accompagne. Puis Vasco repart pour terminer la livraison. On lui demande d'attendre l'arrivée du responsable du campement, pendant que des hommes déchargent le pick-up. Soudain, un cri retentit « Soldats ! » et tout le village s'agite, pendant qu'une colonne militaire le traverse, prenant Vasco de cours. Un peu désorienté, il ne voit pas la jeune femme qui arrive dans son dos. Elle s'appelle Sylvia Rodriguez, comme la chanteuse, ce qui donne l'occasion d'une petite plaisanterie. Ils font connaissance sur un ton badin jusqu'au moment où elle pose une question qui le fait se remémorer des quelques jours plus tôt, à San Cristobal de la Casa, en compagnie de Leti, dernière maitresse officielle de Juan, son ami disparu depuis 6 ans…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les voyages de Juan Sans Terre nous emmènent en Amérique centrale, bastion du zapatisme, courant politique à la devise singulière: « Commander en obéissant ». Concept de l'extrême pour une démocratie, il a donné naissance au mouvement alter-mondialiste qui parcourt le monde depuis 1999. La pipe de Marcos, premier tome d'une série de quatre (à ce jour), pose le décor. Une zone sous surveillance militaire – puisque les zapatistes sont considérés comme des terroristes – où règne une ambiance qui transpire la méfiance. Des agents à la solde du gouvernement se font passer pour révolutionnaires, ce qui brouille sérieusement les cartes. Javier De Isusi, auteur et dessinateur de ce voyage initiatique (car c'en est un), emmène le lecteur dans une quête d'un réalisme manifeste, teinté de saillies qui flirtent avec le burlesque, là aussi inspirées d'expériences que l'on sent vécues. Vasco débarque dans ce monde qu'il lui est pour l'essentiel étranger, à la recherche de Juan Sans Terre, ami idéaliste dont il a perdu la trace depuis 6 ans. Objet de toutes les attentions en qualité de dernier arrivant à La Realidad, il se heurte à l'omerta locale et la suspicion de chacun. Pourtant, lui ne cache rien de sa recherche. Alors il commence à jouer le jeu imposé par les locaux, ce qui finira par porter ses fruits. Agrémenté d'une postface qui permet de mieux cerner les forces en présence, la manière de lire entre les mots et les non-dits qui ont cours dans ce maquis à ciel ouvert, c'est un projet ambitieux qui nous ouvre ses pages. La première étape passée avec succès laisse la perspective à une fabuleuse aventure humaine qui se poursuivra dans L'île de Jamais Jamais, second opus des voyages de Juan Sans Terre.