L'histoire :
Un étranger entre dans une gare avec une heure d’avance. La noirceur de son regard est celle d’un gitan. Il est là pour le dernier train qui traversera la frontière espagnole en cette période où les italiens et les allemands occupent la France. Il s’est enrôlé dans le 5ème régiment après avoir enterré sa famille et ses chevaux, victimes de s’être arrêtés à Guernica. Pourtant, ce jour-là, la ville ne donne pas l’impression d’être un mauvais endroit. Les troupes républicaines sont paisibles, à l’image du reste de la population. La femme demande à son fils d’aller chercher son père, elle a envie de l’avoir près d’elle… mais le vrombissement d’un stuka allemand rompt le calme de la journée. Ils sont les premières victimes d’une attaque au cours de laquelle la ville sera réduite en cendre en trois vagues de bombes au phosphore blanc. Pour les allemands, ce n’est qu’une expérimentation de bombardement aérien destiné à faire table rase d’une ville. Au sol, ce n’est que souffrance et désolation. Tomka, ravagé de douleur, hurle au ciel la malédiction ancestrale de son peuple, chante ses morts et les enterre. Puis il se présente dans une caserne encore debout dans ce champs de ruines et s’enrôle dans le bataillon Rosa Luxemburg.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour la réalisation de Tomka le gitan de Guernica, Massimo Carlotto propose à Giuseppe Palumba de mettre en image un de ses textes qui traite d’un gitan exilé malgré lui par la guerre. Ce dernier sait déjà que le héros aura les traits de José Garcia Ortega, le peintre activiste et que Guernica, le point de départ des malheurs de sa vie, aura l’aspect de la ville italienne qui l’accueillit, la sienne, Matera. Le choix de la trichromie pose d’emblée une atmosphère sombre sur cette histoire tragique à bien des égards, qui fut celle bien réelle de nombreux malheureux à l’époque. Le trait graphique pèse aussi son poids dans le malaise qui se dégage de cet enchaînement de mauvais choix d’un homme qui, au début, était bon. L’injustice plane autour de ce gitan au regard résigné, la guerre aura transformé sa vie en cauchemar éveillé, même quand un nouveau départ était possible. Il porte tout au long de l’album cette odeur de mort qui l’habite depuis Guernica. Le dessin, par son côté brouillon, va dans le sens de cette vie sale, jonchée de mauvaises rencontres et de mauvaises inspirations. Malgré tout, le récit parle d’amour et d’honneur, celui d’un gitan qui assume son existence de martyr. Encore une fois le monde de la BD pointe du doigt la cruauté aveugle qui naît de la guerre et encore une fois la mise en parallèle entre les époques est criante.