L'histoire :
Ce vendredi-là, tandis qu’il marche dans la rue, Arnaldo note une énième fois l’agressivité des gens. Offenses verbales, coups d’épaule en passant… Il se rend à l’épicerie de sa copine Amanda (un sacré caractère, elle aussi) où se produit un évènement qui va changer le cours de sa vie. A la caisse, au moment de payer une bouteille de whisky, un quidam se met à bafouiller, à transpirer… et il entre dans une sorte de transe catatonique. Immobile, les yeux écarquillé, il marmonne une phrase en boucle : « Une aube anémique érodait l’aurore maladive du côté du levant grisâtre ». En compagnie de quelques clients, Arnaldo aide à calmer l’homme. Ils le couchent, le ventilent… Finalement, Arnaldo rentre chez lui profondément marqué, limite en panique. Quel sens avait cette phrase ? Pourquoi l’obsède-t-elle à ce point ? Son amie Amanda fait de rapides recherches… Elle découvre que cette phrase est extraite d’un conte russe écrit par Mikhaïl Cholokhov, Un autre sang. Cette nouvelle aborde la douleur de perdre un être cher. Arnaldo tente d’imaginer mille corrélations entre la catatonie de l’homme et le sens de la nouvelle. Mais plus il y pense, et plus il perd pied avec son être… Il lui semble perdre la tête (au sens propre !), il peine à communiquer avec son entourage. Ce cas l’obsède…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Mais qu’arrive-t-il à Arnaldo ? Ce jeune homme sans histoire assiste au malaise d’un quidam dans une épicerie – soit un évènement relativement anodin – et ce moment précis de sa vie l’obsède… au point de reconsidérer son propre être, la logique même de son existence, et de l’existentialisme en général. Et pourtant, cette quête introspective déboule d’une bête phrase prononcée, un brin poétique et à peine sensée, extraite d’une vague nouvelle, d’un auteur russe à peine connu (voir résumé). Par ce biais, l’auteur catalan Sergi Puyol questionne la fragilité des balises qui forment le périmètre de notre environnement, de notre moi social. Les réflexions de son héros l’amènent à évoquer des phénomènes paranormaux, mais aussi les recoins inexpliqués de l’hypnose. Et de se poser tout un tas de questions philosophiques : qu’est-ce qui fait qu’on est soi ? Le sang – composante physique essentielle de l’individu – est-il un élément primordial dans la définition de l’âme ? Qu’est-ce qui fait qu’un sujet est plus important qu’un autre ? Les notions sont nombreuses et rattrapent quelque peu le dessin franchement minimaliste. Les personnages et les décors sont terriblement naïfs et la colorisation basique joue sur des aplats contrastés. On ne s’intéressera pas à ce bouquin pour la beauté du trait, mais plutôt pour sa capacité à nous faire prendre du recul sur le sens de nos actes.
