L'histoire :
Anton est dans la rue, une arme au poing. Il attend le moment propice et s’engage derrière un passant, lève son arme au niveau de la nuque de l’individu… et bang ! Il se réveille, troublé par ce rêve, qui lui rappelle que 25 ans plus tôt son père a été assassiné par ETA. A cette époque, devant les journalistes réunis autour de lui lors de l’enterrement, il avait pardonné trop vite. Et ce pardon hâtif résonne encore en lui. Des questions restent sans réponses, des doutes planent quant aux personnes impliquées… Est-ce que son ami Josu a joué un rôle dans cette exécution ? En tout cas, ils ne se sont plus jamais parlés depuis ce jour. Et que l’auteur de l’attentat ait été tué par le GAL (Groupe Anti-terroriste de Libération) n’a en rien soulagé Anton, au contraire, puisque celui-ci passa pour un martyr. Ce matin, il a rendez-vous dans un café avec Iciar, sa sœur, professeur de religion, célibataire et enceinte de Gonzalo, marié et bien décidé à le rester. Elle compte sur l’appui de son frère, vicaire général, pour lui éviter d’être renvoyée. Mais Anton ne peut rien. La situation beaucoup trop délicate ne ferait qu’empirer s’il apportait soutien à celle qui a déjà décroché un poste convoité, éveillant des soupçons de népotisme…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Inspirée par une histoire vraie, Voir des baleines traite d’un sujet douloureux : le conflit fratricide qui a traumatisé le Pays Basque pendant la période active de ETA. Javier de Isusi évoque ici les blessures de son pays à travers le vécu de trois anciens combattants, pas tous du même camp. Teintée d’une douceur de fond et d’une bichromie singulière, la trame est subtile, comme les sentiments exprimés, empreinte d’une humanité simple et authentique. Comme si les années apaisaient les pires souvenirs, réconciliaient les pires ennemis et lavaient les pires pêchés. N’en est-il pas ainsi pour chacun ? Et que reste-t-il ? Un goût dont l’amertume passe avec le temps, pour tous, indépendantistes, miliciens et simples citoyens. Une fois encore, Isusi montre son profond engagement pour l’Homme. Il offre une vision à la fois concernée et neutre d’un moment d’Histoire. Avec son trait graphique qui relègue toujours le visuel au second plan, il place le récit au premier plan, le dessin étant le tremplin pour l’imaginaire. L’aquarelle apporte la touche onirique nécessaire pour accompagner le propos, sur des violences passées, certes, mais bien réelles, comme la souffrance et les injustices subies par les protagonistes. Eux-mêmes à l’image de millions d’espagnols marqués par ces évènements, ils sont le témoignage d’une époque à présent révolue, puisque ETA a depuis déposé les armes en démantelant son réseau logistique et opérationnel (le 19 juillet 2014). Démontrant à l’église et au gouvernement espagnol son intention de déposer les armes sans conditions.