L'histoire :
Juliana est une jeune médecin à Pernissi, une petite ville d'un pays d'Europe de l'Est en proie à une guerre civile. Or en ce jour d'hiver, une garnison de l'armée légitimiste débarque et s'installe à Pernissi. Lors d'une allocation sur la place publique, le colonel Melok a beau assurer qu'ils sont venus en paix en ce point stratégique, tous les citoyens savent que les relations vont être tendues avec ces militaires lourdement armés. Car la population est plutôt partie prenante pour les « patriotes », soit le camp antagoniste considéré comme terroriste par les légitimistes. Tout ce qui compte pour Juliana et son mari, c'est de conserver un maximum de neutralité afin que la cohabitation soit paisible et que leurs deux enfants subissent le moins possible les affres de la guerre. Mais évidemment, rien n'est aussi simple. A peine les légitimistes se sont-ils installés dans l'ancienne école, qu'un adolescent saute sur une mine anti-personnelle en allant chercher son ballon de foot dans un buisson. Malgré ses compétences et ses efforts, Juliana ne parvient pas à le sauver. La nuit, secrètement, le principal employeur local organise une cellule rebelle dans un atelier, avec quelques uns de ses employés, afin de fomenter un attentat contre le QG des légitimistes. Discrétion et discipline sont exigés aux conspirateurs. Le mari de Juliana, simple apiculteur et membre du ciné-club, tente quant à lui de négocier avec les militaires une exception au couvre-feu, afin de diffuser Jurassic World lors d'une séance de cinéma publique et d'accorder ainsi un peu de divertissement à ses concitoyens...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Un tome 1 était paru en mars 2019, mais c'est finalement sous la forme d'une intégrale unique que les lecteurs peuvent aujourd'hui découvrir la suite et la fin de ce diptyque de guerre, par définition tragique. A travers les yeux et le ressenti d'une famille normale, aimante et équilibrée, le scénariste Sylvain Runberg nous propose de vivre de l'intérieur les horreurs d'un conflit civil fictif. Celui-ci rappellera aux plus vieux celui de l'ex-Yougoslavie des années 90, mais à notre époque. Malgré leur neutralité politique, malgré leur constant souci de bienveillance citoyenne, Juliana, son mari et ses enfants vont se retrouver au cœur des débats, coincés entre les armées patriotes et les légitimistes. Et la tragédie est d'autant plus vive que le scénariste parvient à nous les rendre attachants, de par leurs bonnes volontés et leur ouverture culturelle. Afin de dénoncer les aberrations des guerres, quelles qu'elles soient, Runberg prend soin de ne pas être manichéen. Il y a des salopards et des bonnes volontés dans les deux camps. Sous couvert de beaux principes et d'accusations réciproques de terrorisme, les idéologues se muent en fous de guerre. Et au nom de la patrie ou de la liberté, se moquent des victimes collatérales et des martyrs civils. La narration monte sans cesse en tension, les combats sont de plus en plus virulents et glaçants, jusqu'à un paroxysme aussi horrible que kafkaïen. A l'aide de sa griffe réaliste et d'une mise en scène cinématographique, le dessinateur Joan Urgell parvient à nous immerger et à nous prendre aux tripes. Le potentiel immersif de ce récit désormais complet nous permet d'imaginer à quoi ressemblerait un tel conflit dans un pays européen. Et s'agissant de l'actualité brûlante de ce début 2020, nous rend soudain le Proche-Orient beaucoup plus proche...
