L'histoire :
Par un jour de pluie, Adèle va se promener dans la campagne limousine en compagnie de Lucky, son chien. Elle longe une rivière, s’enfonce dans une forêt, fait une pause près d’un lac. Soudain, Lucky aboie et part en trombe, comme s’il poursuivait un gibier. Alors qu’elle tente de le rattraper, Adèle débouche sur une clairière. Au milieu, sur une roche plate, un homme nu est assis. Un homme nu, avec une tête de bouc ! Le lendemain, l’inspectrice de police Gaëlle Demeter interroge la mère d’Adèle, qui a signalé sa disparition. Elle fait le tour de sa chambre en espérant trouver des indices, un début de piste. Elle trouve juste un curieux « dreamcatcheur », un gris-gris réalisé autour d’un crâne d’oiseau. Puis l’enquête de voisinage lui apprend qu’un break Volvo vert était garé sur la route, à proximité de l’endroit où Adèle est allée se promener. Le lendemain, Gaëlle revient chez la mère d’Adèle, avec une amie chamane, Blanche. Le chien a été retrouvé cloué sur la porte de la grange, décapité et éviscéré, en une sorte de rituel satanique. La disparition de la jeune femme se transforme dès lors en sérieux kidnapping, à connotation de sorcellerie. Mais elle prend une direction encore plus sordide, lorsqu’on leur signale un curieux accident de la route : une jeune femme vient de faire un plongeon dans la rivière à bord du break Volvo vert ! Elle est repêchée indemne, mais elle est d’une saleté innommable, griffée et mordue sur les membres, muette et en état de choc psychologique prononcé et durable. Les policiers l’identifient finalement : Nadège T, une adolescente enlevée 10 ans plus tôt !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce sombre et maléfique Homme bouc est annoncé par l’éditeur comme étant le 400ème album de Corbeyran… Ce qui nous semble tout à fait plausible. On plonge d’emblée au cœur d’un thriller contemporain, à connotation de sorcellerie. Il est question de jeunes filles kidnappées, de chien décapité et cloué sur une porte, d’une enquête menée par une flic très pro, mais aussi d’une spécialiste extralucide qui fait valoir son expérience. Et donc d’un « homme-bouc » à traquer, car potentiellement coupable des abominations. L’intrigue s’immisce dans les eaux boueuses du sordide, du satanisme, et se révèle finalement très classique dans son périmètre et sa conclusion. Néanmoins, Corbeyran sait y faire pour narrer cela avec le suspens idoine, et dans la longueur : le roman graphique fait 178 pages ! N’ayez pas peur de l’épaisseur du pavé, les nombreuses séquences de narration visuelle et la science des dialogues contribuent à ce qu’il se lise d’une traite. En outre, la principale plus-value vient de l’ambiance sombre du dessin ultra réaliste (au lavis infographique) d’Aurélien Maurinière, réalisé à partir de ses nombreux clichés. Un cahier graphique final montre même le dessinateur en quête de documentation dans les milieux naturels et ruraux du Limousin ; en marge d’une longue note d’intention. Certains pourront reprocher à ce type de dessin une certaine rigidité, là où d’autres apprécieront la forte immersion cinématographique et la sourde pesanteur des forces sataniques. Brrr…