L'histoire :
En 1921, l'Allemagne peine à se remettre de sa défaite de 1918. Le règlement de la première guerre mondiale est sévère, la société allemande se cherche des responsables. L'antisémitisme galope et cible les savants juifs, dont Albert Einstein – qui n'y est pour fichtre rien. Il est alors défendu par un autre juif, son ami chimiste Fritz Haber, inventeur des gaz mortels qui firent des milliers de morts dans d'atroces souffrances sur le front d'Hypres. Einstein a conscience que les mentalités allemandes tournent au vinaigre. Il va être temps pour lui de s'exiler de nouveau, alors même que Fritz Haber est appelé à rejoindre l'université de Jérusalem. La popularité d'Einstein aux USA l'y invite naturellement. Les destinées des deux amis scientifiques divergent donc, définitivement. Les craintes se confirment : Hitler est élu chancelier en 1933 et il s'emploie rapidement à « aryaniser » la société. Les scientifiques américains réclament alors d'Einstein qu'il utilise sa notoriété auprès du Président américain, pour qu'un programme atomique soit lancé. Grâce aux découvertes d'Einstein, on sait en effet que la fission nucléaire peut aboutir à une bombe d'une puissance inouïe... Mais on redoute alors que les nazis parviennent à la mettre au point avant les autres. Einstein écrira une lettre dans ce sens à Roosevelt en 1939...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si l'on peut considérer le pacifisme comme un combat, il est déjà moins étonnant de parler de « guerres » au regard de l'antimilitarisme d'Albert Einstein. Ce paradoxe s'explique à travers la réplique que les auteurs lui accordent, à son arrivée à Princetown en 1939, « Les nazis sont des criminels comme vous ne pouvez pas imaginer. Impossible d'être pacifiste et de laisser faire. » Après les années allemandes (cf. Tome 1), l'arrivé de Hitler au pouvoir et l'antisémitisme qui guide son parti Nazi ont en effet forcé Einstein à s'expatrier aux USA, nation de tous les possibles. Le point d'orgue de cet opus culmine au moment où Einstein écrit une lettre à Roosevelt, enjoignant le président américain à se lancer dans la course à l'atome, avant que les allemands n'aboutissent à leurs propres recherches sur le sujet. La realpolitik de l'époque troublée en a ainsi fait l'un des pères de la bombe atomique qui éradiqua deux villes japonaises, causant des centaines de milliers de morts – et certes mit fin à la guerre du... Pacifique. Le journaliste François de Closets, aidé par le savoir-faire narratif de Corbeyran, aborde dans cette seconde partie de diptyque la genèse de cette arme absolue, à travers les états d'âme complexes du célèbre physicien. Il débat avec ses pairs, et notamment toujours avec Fritz Haber, il tente sans jamais y parvenir pleinement de mettre en accord son potentiel intellectuel et ses idées humanistes. Il a pleinement conscience de ce que les découvertes de ses pairs et de lui-même vont engendrer, et il prône donc la répartition multilatérale de la puissance atomique. Le pacte de non-agression qui en résulte est toujours celui qui régit notre planète, 75 ans plus tard. Einstein n'était donc pas qu'un génie scientifique. Il mourut sans doute néanmoins avec le poids immense de la culpabilité de ses découvertes. Le titre de la biographie que de Closets a consacré à Einstein prend ici tout son sens : Ne dites pas à Dieu ce qu'il doit faire. Éric Chabbert dessine l'ensemble de manière un peu plus automatique – il y a un peu moins d'âme dans les personnages – mais toujours très sérieusement réaliste, documenté et varié.