L'histoire :
La petite ville de Tarvaudan, dans le sud de la France, est en émois. D’une part, la campagne municipale bat son plein, avec une passation de pouvoir annoncée entre l’ancien maire Roland Delonais, figure historique du parti d’extrême droite « Nation & Liberté », et la jeune, ambitieuse (et jolie !) Chloé Vanel. Celle-ci est certes parachutée, mais elle est du même bord et elle a besoin de ce tremplin pour exister sur la scène nationale. Les quelques activistes de gauche qui tentent de protester sont en minorité, et facilement muselés par des méthodes musclées. Parmi ceux-ci, la bibliothécaire Ludivine aide au quotidien les migrants qui sont nombreux sur le territoire de la commune, car un producteur local de melons les emploie massivement, à bas-coût et avec des méthodes nauséabondes : il monte les ethnies les unes contre les autres. En divisant pour mieux régner, il assouvie aussi son racisme naturel. D’autre part, dans ce contexte déjà tendu, on découvre tour à tour deux migrants assassinés et pendus à des arbres dans la garrigue, rappelant les pires heures du KKK. De fait, les journalistes de la presse nationale se sont installés en nombre dans les hôtels locaux, pour moult reportages et témoignages… qui entretiennent la xénophobie ambiante. Car les « sangliers de fer », une milice fascisante, ne se prive pas pour exprimer violemment leur haine des métèques et leur mépris pour les « journalopes ». Parmi ces journalistes, l’intègre Thierry Mongin tente de démêler la vérité…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bienvenue à Tarvaudan, petite ville du Sud de la France, scène politique fictive d’une passation de pouvoir entre deux membres d’un parti d’extrême droite ouvertement racistes. Si elle rappelle ce qui s’est passé à Carpentras dans les années 2000, la production locale de melons est lourde de responsabilités dans le dénouement de cette enquête en deux tomes, sur fond de tensions entre les milices d’extrême droite et la presse. A travers cette histoire, Sylvain Runberg cherche à extrapoler les leviers couramment utilisés par un parti qui rappellera le Rassemblement National, ici renommé « Nation & Liberté » : milices locales, propagande sans scrupule, musellement des opposants. Il y a même une dénommée Chloé Vanel qui fait curieusement écho à une certaine Marion M-L-P en raison de son profil et son parcours (mignonne, ambitieuse, retirée de la vie politique pour mieux revenir via un tremplin). Cependant, le scénariste charge vraiment la barque en faisant dériver des exactions jusqu’à l’ignoble assassinat de migrants noirs, dans la veine de ce que son dessinateur, Nicolas Otero, illustrait dans les années 2000, avec la série AmeriKKKa. Evidemment, l’habile scénariste parvient à conduire le lecteur jusqu’à un meurtrier qui ne soit pas trop caricatural envers le parti incriminé. Tant pour son dessin bancal (têtes de biais, erreurs de proportion, arrière-plans négligés) que pour sa démonstration-dénonciation en demi-teinte (on sent la volonté du scénariste d’écorner l’extrême droite… mais sans trop se mouiller), on ressort une nouvelle fois mitigé.