L'histoire :
Dans l’Amérique de l’après-seconde guerre mondiale, le scientifique allemand Otto von Acht, transfuge nazi, travaille sur un gros projet de lancement de navette spatiale vers la lune. Cette technologie se base sur l’utilisation d’un gigantesque toboggan et d’un tremplin, que doit emprunter une capsule. Une impressionnante base souterraine est située dans le désert du Nevada à Groom Lake, avec un dôme ouvrable et un ascenseur géant pour exhiber de temps en temps l’installation… L’idée est en effet de permettre aux avions espions russes de prendre des photos de la chose… et d’entretenir ainsi leurs espoirs stériles de concurrence. Le producteur de télé Bild Hoze fait des émissions sur le sujet pour assurer la propagande, bien que von Acht soit un très mauvais communicant. Imbus de lui-même, méprisant envers la culture américaine, il ne pense qu’à une chose : si son expérience est un succès, le président américain lui a promis d’effacer son dossier concernant son ancien passé nazi. Mais dans l’ombre, des forces obscures se mettent en place pour se venger de von Acht. Un agent du Mossad appelé « la Moustache » lui envoie des cartes postales de menace et prépare un enlèvement de grande ampleur. Il a fait une alliance de circonstance avec des mafieux, qui veulent larguer de mystérieuses caisses au-dessus du Mexique…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
D’emblée, le sujet et les atours de cette série d’espionnage caustique et uchronique interpellent. En effet, en auteur complet, le lorrain Mathias Bonnard se propose de rejouer les premières années de la guerre froide, mais avec des protagonistes anthropomorphiques qui ont tous des têtes de cochon (Yann Lindingre, sort de ce corps !). Et surtout, en mélangeant des faits réels à d’autres totalement farfelus et parodiques. Ainsi, le programme de conquête lunaire est conduit par un ingénieur transfuge nazi, alter ego fantasmé de l’authentique Wernher von Braun. En revanche, sa technologie se base sur un système complètement foutraque pour lancer les capsules : un toboggan et un tremplin géant ! Et ce système incompréhensible est également employé pour un improbable pont transatlantique qui confine aux montagnes russes. Le récit n’explique pas la relation entre les deux installations, et il reste évidemment flou sur la technologique étant donné qu’elle est saugrenue (hé, tiens, si on mettait une hélice derrière la capsule !?). L’intrigue repose plutôt sur un jeu de chassé-croisé d’espionnage entre plusieurs factions, dont aucune n’incarne une ligne de conduite vertueuse. Autour de la vengeance centrale recherchée par des agents du Mossad, qui harcèlent von Acht avec des messages menaçant et préparent son kidnapping, se greffent des velléités mafieuses, des russes, des nazis mexicains… Et le système narratif, qui alterne dialogues et pensées des protagonistes, se révèle à la fois naïf et confus sur les intentions de chacun. Bref, plus on avance dans le récit et plus celui-ci se révèle un gloubi-boulga d’inspirations patchwork et rocambolesques, assemblées gratuitement, sans jamais donner un sens de parabole politique. Dommage, avec cette matière, ce registre et un sympathique coup de crayon en noir et blanc, il y avait certainement matière à faire mieux.
