L'histoire :
Eva est une jeune et prometteuse ingénieure au service d’une entreprise qui fait du design dans le domaine de l’écologie. Mais concrètement, ce boulot s’exerce en open space, dans une zone urbaine ou en télétravail chez elle. C’est trop éloigné de ses convictions et du style de vie proche de la nature dont elle rêve. Elle pose sa démission et trouve rapidement à se faire embaucher pour un job unique et un peu fou au sein du Ministère de la Transition Ecologique : remettre en service une station météo sur un minuscule îlot du Pacifique Sud. L’idée est qu’elle subvienne en autarcie totale à ses propres besoins en expérimentant les principes du développement durable et en faisant en sorte que la station soit alimentée par des énergies renouvelables. Malgré la prise de risque certaine, Eva trouve dans cette mission de 9 mois, à 4000 km de toute terre continentale, le moyen de mettre son métier en accord avec ses convictions. Elle devra aussi donner régulièrement de ses nouvelles sur les réseaux sociaux, avec des photos, des stories, des partages d’expérience. En off, Eva comprend que cette mission-test est un épiphénomène au niveau du Ministère. Si son intérêt économique et/ou sa rentabilité en matière d’image publique ne sont pas concluants, la zone sera certainement attribuée à l’exploitation par un autre ministère. Pleine d’énergie et d’enthousiasme, Eva accepte le job et prend possession de « son » île…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Devenir Robinson volontaire sur une île paumée du Pacifique Sud, en symbiose totale avec la nature : voilà qui ravirait bien des profils bobo-zadisto-écolos ! Voilà aussi et surtout un sujet qui permet de confronter les belles théories sur le développement durable (indispensable !) et la pratique d’une vie humaine contemporaine (tout aussi nécessaire). Léonard Chemineau a d’ailleurs défini symboliquement la superficie de l’îlot sur lequel survit son héroïne Eva : 1,7 ha, c’est la biocapacité théorique par habitant de notre planète. C’est-à-dire la surface à disposition de chaque être humain pour qu’il puisse puiser ses ressources et éliminer ses déchets, sans rien détruire. Pour la première fois en tant qu’auteur complet, Chemineau déroule sa griffe semi-réaliste agréable et très colorée, et il compose un scénario véritablement habile. Sur une base d’aventure survivaliste moderne, se noue en effet une dimension de thriller avec les relations tendues d’un bateau d’exploitation minière, mais aussi de nombreuses pistes de réflexion pour une prise de conscience sur notre anthropocène autodestructrice. Le mode de vie humain peut-il réellement éviter tout impact environnemental ? Existe-t-il une voie pour combiner progrès et écologie ? Développement durable et rentabilité ? Chemineau trouve le ton intermédiaire entre le divertissement et la réflexion écologique, sans être moralisateur. Le périmètre, qu’il soit biologique (la faune, la flore…) ou technique (les détails de l’exploitation manière sont tragiquement crédible !), voire même administratif (l’inertie des décisions publiques) est parfaitement documenté et réaliste. Une divine surprise, qui mériterait de susciter une prise de conscience brutale.