L'histoire :
Une nouvelle meuf vient d'arriver au lycée. Elle porte un blouson rose ridicule, elle écoute de la zic au casque et elle est assise sur le banc « réservé » d'ordinaire a Nawel et sa bande. Nawel décide aussitôt d'aller lui apprendre la politesse. Elle se tasse à côté, la moleste un peu et lui pique un écouteur pour savoir ce qu'elle écoute. C'est du Paul MacCartney et Nawel adore immédiatement. Dans les jours qui suivent, Nawel va télécharger tout Paul MacCartney et en faire son nouveau dieu de la musique. La nouvelle se place désormais sous sa protection. Elle s'appelle Alice et habite dans la même barre d'immeuble qu'elle, à Créteil. Alice change de manteau et accepte l'amitié de Nawel. Les deux copines développent dès lors leur passion commune pour la musique pop, d'inspiration Beatlesienne. Elles demandent à leurs parents des instruments de musique : guitare électrique pour Alice et piano pour Nawel. Mais les parents algériens de Nawel sont très traditionalistes et refusent. La musique, ça n'est pas sérieux. Les bons résultats scolaires de Nawel l'invitent à faire carrière dans une autre branche. Les copines parviennent alors à biaiser pour acheter un synthétiseur d'occasion. Leur groupe est ainsi créé et il s'appelle « Nuit noire ». Avec leur musique, elles ont l'ambition de conquérir Créteil et pourquoi pas le monde...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Auréolée de son Fauve Jeunesse à Angoulême 2018, Claire Fauvel propose aujourd'hui chez le même éditeur (Rue de Sèvres) un one shot qui s'adresse à un public plus adolescent(e). La nuit est mon royaume met en scène le parcours initiatique de deux jeunes femmes bien décidées à devenir rock stars. Leurs origines sociales sont un handicap – des parents pauvres, une barre d'immeuble à Créteil – mais leur volonté et leur amitié sont puissantes. La peinture sociale proposée par Fauvel est particulièrement réaliste, sensible et immersive, proche du savoir-faire de mise en scène d'un Abdellatif Kechiche. Lutte des classes, conflits familiaux, désir d'indépendance complètent logiquement la chronique sociale d'obédience plutôt féminine. Le duo d'héroïnes est très attachant, on leur souhaite tout du long de connaître le succès et de conserver la force de leur union. Évidemment, étant donné leur âge, cette quête est aussi perturbée par des histoires de cœur, de confiance, de muses... voire des pièges des paradis artificiels. Et cette dimension complémentaire terminera de convaincre le lectorat cible des jeunes filles de 12-18 ans. Fauvel parvient à mettre en scène la musique et les concerts – une pure gageure en bande dessinée – en animant notamment les personnages en action sur scène et leurs paroles entrelacées sur doubles planches. Le trait de dessin semi-réaliste (sur tablette numérique) est parfois rapide, mais juste, dynamique et idéalement découpé. Pour la première fois en tant qu'autrice complète, Fauvel confirme son grand talent et son savoir-faire séquentiel, notamment pour la chronique sociale contemporaine.