L'histoire :
France, septembre 1985. Mathilde, une vieille dame, septuagénaire habillée d'un imperméable, entre dans sa voiture. Son chien, un dalmatien, prend place à l'arrière du véhicule. Elle prend le volant puis s'arrête pour stationner dans une rue pavillonnaire. Elle attend patiemment quelqu'un. Un homme promène son chien et rentre chez lui. Mathilde sort, sonne à la porte. L'homme lui ouvre. Elle l’abat froidement d’une balle dans l’entrejambe avant de lui exploser la tête. Le corps gît sous le regard hébété de son animal. Sans précipitation et d'un calme olympien, elle repart, appliquant un protocole précis. Elle s'arrête devant Notre Dame de Paris, allume une cigarette. Le lendemain, la police est sur les lieux du crime et ne peut que constater le carnage : la victime, Philippe Biasini, a été exécutée avec un calibre inhabituel. Même son chien n’a pas été épargné. Cette mise en scène macabre marque le début d’une enquête où l’efficacité clinique de l’assassin intrigue autant qu’elle effraie.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pierre Lemaitre connaît bien la bande dessinée : plusieurs de ses romans ont déjà été adaptés avec succès, que ce soit la trilogie Les Enfants du désastre (Au revoir là-haut, Couleurs de l’incendie, Miroir de nos peines, par Christian de Metter), la série Verhoeven (Pascal Bertho et Yannick Corboz) ou encore Cadres noirs (Pascal Bertho et Giuseppe Liotti). Cette fois, c’est lui qui s’y colle et il n’a pas perdu son mordant. Le Serpent Majuscule est une bombe d’humour noir, d’immoralité et de violence jubilatoire, qui fait le grand écart entre La Grande Vadrouille et le cinéma de Tarantino ! Il y dynamite les codes du roman noir en nous livrant un récit aussi décalé qu’impitoyable. Mathilde ne fait pas dans la dentelle. Elle y va franco, armée de son Desert Eagle, et ce n’est pas de la frappe chirurgicale : ça fait de la bouillie. Ça gicle de partout. Et pourtant, on rit. Les dialogues sont cinglants, les personnages hauts en couleur. Chaque portrait est saisissant, poussant le trait du grotesque et de l’absurde. Le dessin de Dominique Monféry accentue encore cette impression de chaos maîtrisé. Ses cadrages sont souvent décalés, désaxés, comme pour mieux nous faire perdre pied. Les personnages ont un côté nébuleux, insaisissable. Loin d’être sage, son trait épouse la noirceur du récit. Le tueur de Matz et Jacamon a de la concurrence !