L'histoire :
Le 8 mars 1905, le procès d’Alexandre Jacob s’ouvre au palais de Justice d’Amiens. Il est reproché à cet homme insoumis à toute autorité d’avoir organisé et dirigé plus de 150 cambriolages chez de riches industriels, des curés, des juges… Ce qu’il appelle de la « reprise individuelle » chez des parasites qui sucent le sang des travailleurs. Sans scrupule, Jacob défie le juge en ne lui reconnaissant aucune autorité. Il écoute néanmoins calmement l’évocation de sa biographie. Quinze ans plus tôt, en 1890, il a 11 ans. Titillé par l’envie de voir le monde, il convainc ses parents de le laisser s’engager comme mousse à bord du cargo le Tibet. A bord, il apprend à trimer comme un fou ; et à chaque escale, il découvre un peu plus la misère, l’exploitation de l’homme par l’homme. Il rentre chez lui au terme de son engagement, clairement blasé et écœuré, mais pas rassasié. Il se réengage donc à bord d’un bateau des messageries maritimes, pour un salaire plus élevé. Mais alors que le navire fait cap vers l’Australie, le bosco tente de violer Alexandre. Le gamin lui casse la figure mais il redoute la vengeance. Aussi, dès que le navire arrive à Sydney, Alexandre déserte le bord. Il survit quelques semaines de petit boulot en petit boulot, avant qu’un capitaine de baleinier lui propose de rejoindre son équipage. Alexandre accepte, mais une fois au large, il comprend qu’il n’est pas vraiment à bord d’un baleinier…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A l’automne 2015, un premier ouvrage était paru chez Sarbacane sur le destin et l’idéologie originale d’Alexandre Jacob (au titre éponyme), anarchiste cambrioleur généreux avec les pauvres, qui inspira vaguement l’écrivain Maurice Leblanc pour créer Arsène Lupin. Matz et Léonard Chemineau remettent le couvert sur le même sujet biographique, à croire qu’il fait sens avec le partage inégal des richesses de notre époque. En 5 chapitres chronologiques régulièrement ponctués par le procès central de Jacob en flash-forward, les auteurs narrent une vie tumultueuse, remplie d’aventures, de larcins, de tensions, d’enseignements et prompt à inspirer moult sujets de débats sociaux. Qu’est-ce que la propriété ? Les hommes peuvent-ils être vraiment égaux, sans être tous bien nés ? Peut-on tuer au nom de la liberté ? C’est non seulement passionnant dans le flux des actions, mais aussi didactique sur le plan historique, et cela incite à la réflexion politique. Bref, c’est un carton plein côté scénario. On n’en attendait pas moins de Matz, qui a déjà brillamment toisé l’humanité de son regard acide avec son Tueur. Or Léonard Chemineau développe un dessin semi réaliste complet, riche en décors variés, bien inscrit dans des ambiances prégnantes, très agréablement abouti dans la forme, et animé par des personnages attachants et bien en place. Le découpage et la mise en scène s’avèrent génialement immersives… Au final, le plaisir de lecture est complet. Assurément l’une des meilleures surprises BD du premier semestre 2016.