L'histoire :
Dans un laboratoire, deux vieux scientifiques repèrent qu’une effroyable épidémie de somnambulisme est en train de se propager sur leur population de hamsters. Quelques jours plus tard, au petit matin, la chinoise Linh Yu découvre un inconnu dans son lit. Ou du moins, pas tout à fait inconnu… Car c’est la troisième fois que Napoléon Cavallo se réveille à ses côtés, alors que ces deux jeunes gens ne se connaissaient pas auparavant. Aussitôt présenté, en pyjama, devant un juge, Cavallo ne parvient pas expliquer son comportement nocturne. Bien que non agressif, il est tout de même incongru de pénétrer ainsi par surprise dans le lit d’une inconnue. Le dossier personnel de cet ancien policier montre néanmoins des états de service irréprochable. Le juge lui accorde donc le bénéfice du doute, en reportant ce comportement à une crise de somnambulisme : la saleté de la plante de ses pieds confirme cette hypothèse. Cette crise englobe néanmoins des zones d’ombre, car les portes et les fenêtres de Linh Yu étaient fermées de l’intérieur ! Comment Napoléon s’y est-il pris pour pénétrer jusque dans sa chambre ? Il demande donc à son vieux pote de le surveiller une nuit entière pendant qu’il dort…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans le registre de la chronique sociale pétrie d’émotion, le scénariste Zidrou a tellement livré de bonnes choses ces dernières années, qu’on est devenu exigeant avec lui. Il embrasse cette fois « le somnambulisme » comme propos central et original de ce nouveau one-shot, qui ne déçoit nullement sur ce plan. Les promeneurs sous la lune nous permet aussi et avant tout d’apprécier le talent graphique d’une dessinatrice ibérique, Mai Erguza, nouvelle venue dans le paysage bédessiné franco-belge – l’Espagne est le vivier de talents où pèche régulièrement Zidrou. Complété par une colorisation extrêmement retenue, d’une fadeur savamment composée, le dessin stylisé et soigné d’Erguza accorde beaucoup d’expressivité aux personnages, qui occupent tout du long de l'album une majeure partie du volume des cases, sans contours de forme. Pour maximiser l’empathie à leur égard, Zidrou narre une fois encore ce récit avec beaucoup de savoir-faire, accordant des psychologies équilibrées et très attachantes aux protagonistes principaux et secondaires (la vieille voisine). En outre, le scénariste jongle une fois de plus avec les ellipses et les sauts narratifs, sans transition ni scrupule. C’est néanmoins très efficace. Cependant, puisqu’on est exigeant, on aurait aimé un minimum de contextualisation et de perspectives. D’où vient cette épidémie de somnambulisme avant la première page et que devient-elle après la dernière ? Sur quels principes biologiques s’appuie-t-elle ? A trop soigner la justesse de la relation humaine, les bons sentiments et les parenthèses charmantes qui font sa griffe (les ronfleurs qui dialoguent), Zidrou en oublie presque les bases de l’intrigue. Il n’empêche que cette histoire tendre, subtilement dialoguée et saupoudrée d’humour vous emportera dans une lecture pleine de félicité.
