L'histoire :
Le dimanche 29 décembre 2019, une caisse de matériel son, en bois noir avec ses fermetures métalliques, quitte la chambre d'un hôtel proche de l'aéroport d'Osaka. A l'intérieur, se trouve Carlos Ghosn, ex grand patron de Renault-Nissan, assigné à résidence par la justice japonaise pour des soupçons de dissimulation de revenus et pour avoir utilisé des fonds de l'entreprise Nissan à des fins personnelles. La caisse va prendre un vol privé qui, après plusieurs étapes, conduira Ghosn au Liban dont il détient la nationalité. Il y restera protégé par l'absence d'accord d'extradition du pays envers ses propres citoyens. Cette fuite rocambolesque aura été décidée plusieurs mois plus tôt. Le richissime dirigeant s'est offert les services de deux baroudeurs de haut-vol, un ancien béret vert spécialiste des exfiltrations à risque, et un ex milicien des forces libanaises. Coincé dans le noir, Carlos Ghosn essaye de rester zen, il repense aux premiers moments face à la justice japonaise, ces fonctionnaires qu'il considérait comme des bouffons et qui pensaient pouvoir le condamner. A l'humiliation des menottes, des séjours en détention, de l'exposition médiatique. Et sa femme Carole qui lui manque tant.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bourré d'informations de première main, ce petit livre épais surprend par un ton léger, une écriture et un découpage rapides qui plongent immédiatement le lecteur dans la tête de Carlos Ghosn. Enfin, plus prosaïquement, dans sa malle. On comprend très vite l'état d'esprit du grand patron qui est prêt prendre tous les risques pour échapper à la cruauté de la justice japonaise. Le personnage n'est pas sympa, son culot et celui de ses acolytes sont époustouflants. On se rend compte par ailleurs des moyens financiers incroyables qu'il a fallu mobiliser pour permettre cette fuite. En s'appuyant sur une enquête et des interviews d'Anthony Samrani, rédacteur en chef adjoint du quotidien L'Orient-Le Jour, les auteurs déroulent une histoire hyper-crédible, haletante comme un scénario bien ficelé. On ne décroche pas une seconde, sans pour autant devenir des admirateurs de l’arrogant patron d’industrie qui vit au Liban depuis lors. Après l'exfiltration, les médias français scotchés par le culot de cette échappée ont très vite laissé le riche homme d’affaires à sa vie privée, non sans avoir montré une certaine empathie pour celui qui s’est positionné en victime d’un complot économico-politique. Le livre évoque le contexte japonais et les intérêts de Nissan, sans y passer beaucoup de temps, concentré sur les péripéties du voyage aux multiples étapes. Dès la première page, les yeux de Ghosn qui sont dessinés dans l’obscurité de sa malle en bois, ce regard si reconnaissable, sont placés de manière très intelligente au centre de l’album. Un petit coup de génie narratif qui donne le ton. On sent qu'on est au cœur de l'affaire, qu'on est très bien informé, tout en gardant, grâce au dessin plutôt humoristique de Mohamad Kraytem, une bonne touche de distance.