L'histoire :
D’origine cambodgienne, Cham est aujourd’hui écrivain établi à Paris. Ce jour-là, il reçoit un coup de fil de son éditeur, en furie. En se promenant dans une rue commerçante, ce dernier s’est aperçu que Cham avait publié un bouquin chez un éditeur concurrent, sans lui en parler. Il le convoque aussitôt à son bureau et lui montre l’objet du délit : un pavé appelé Otaku, illustré, en plus. Cham tombe des nues : il n’a jamais écrit ce bouquin !! Puis c’est un ami journaliste qui l’appelle pour avoir une interview exclusive, après avoir reçu son exemplaire presse d’Otaku. Cham croit devenir fou. Il rend aussitôt visite à l’éditeur qui a publié ce mystérieux livre. Ce dernier est heureux de le voir pour la première fois : jusqu’à présent, tout avait été transféré et signé par mail. Cham rend alors visite à l’illustrateur, établi sur Lille… même topo : il ne l’a jamais rencontré, sa collaboration à ce livre a été gérée à distance, via Internet. Or personne ne croit Cham quand il dit tout ignorer de ce bouquin. Même sa femme fouille dans ses archives informatiques pour vérifier ses dires… et découvre le fichier bel et bien enregistré sur son disque dur ! Cham va jusqu’à consulter son médecin, qui lui conseille de voir un psy…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dès les premières planches de ce thriller solidement ancré dans un réalisme urbain contemporain, on est confronté à un épais mystère: tout le monde reproche au héros d’avoir écrit un livre, alors que lui ignore tout de cet ouvrage. Dans les polars qui surfent sur ce type de problématique, trois registres d’explications s’imposent, généralement : ou le ressort est fantastique (hypothèse facile) ; ou le héros s’aperçoit qu’il écrit en somnambule (hypothèse classique) ; ou le héros est victime d’une machiavélique conspiration. C’est ce dernier cas de figure, le plus ardu à mettre en œuvre, que le scénariste Didier Quellat-Guyot semble bien nous proposer. Or le scénariste a la bonne idée d’ajouter une option supplémentaire à cette appétissante mise en bouche : celle du monstre informatique, façon Big Brother is watching you (du roman 1984). Est-il la première victime d’une intelligence artificielle qui va tous nous bouffer, comme dans Terminator ? Ou les outils numériques sont-ils juste des vecteurs manipulés par un pirate génial ? Et surtout, pour quelle finalité ?! En tout cas, non content de faire progressivement et formidablement monter le suspense, ce premier tome nous donne à réfléchir sur notre condition d’« humains augmentés ». Jusqu’à quel point resterons-nous maître de notre propre créativité ? Le double hameçon est imparable : les « édinautes » de Sandawe se sont logiquement mobilisés pour financer ce projet de BD, a priori prévue en diptyque. Ils n’ont guère tenu rigueur des irrégularités dans le style graphique réaliste de Jean-Claude Baueur. En effet, tantôt ses cases bénéficient d’un grand soin, tantôt le dessinateur fait-il des imports de clichés photoshopisés (pour les décors urbains complexes, comme la première case de la p.21), tantôt son crayonné reste au stade du rough, beaucoup plus grossier (bas de la p.37). La fragmentation du financement sur ce genre de projet est peut-être responsable de cela ? En tout cas, Baueur dispose de tout le talent pour livrer un second opus visuellement plus homogène…