L'histoire :
Dans une Angleterre uchronique issue de la Guerre Froide, Winston Smith, employé ordinaire perdu dans la masse, quitte son bureau pour rejoindre son appartement situé dans « Les Maisons des Victoires ». Sur les murs, une affiche rappelle que « Big Brother is watching you ». Des caméras scrutent les aller et venus de tous, des espions épient les moindres faits et gestes de chacun... Winston Smith gagne son bureau au Ministère de la Vérité où le télécran braille tout seul. Nul ne peut l'arrêter : l'image est toujours allumée, le son ne peut à peine être baissé. Le bourdonnement incessant, diffusant des nouvelles du front, des nouvelles sur la santé économique du pays fatigue Winston. Dehors, les patrouilles aériennes scrutent les mouvements de tous. Depuis son appartement, Winston a une vue imprenable sur le Ministère de la Vérité où il travaille à la réécriture de l'Histoire. C'est un gigantesque bâtiment, un véritable dédale avec 3000 pièces au-dessus du sol, et presque autant en souterrain. Le ministère de la vérité s’occupe de l’information, des divertissements, de l’éducation et des beaux-arts. De chez lui, il voit les autres ministères : le ministère de la paix responsable de la guerre, le ministère de l’abondance en charge des affaires économiques, le ministère de l’amour gardien du respect de la loi et de l’ordre. Le soir venu, Winston prend la plume pour écrire sa propre histoire.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Depuis le 1er janvier 2021, les œuvres de George Orwell (Éric Blair dans la vraie vie), mort il y a pile 70 ans, sont entrées dans le domaine public. L'occasion était belle pour les auteurs de bandes dessinées (Jean-Christophe Derrien et Remi Torregrossa pour Soleil, Fido Nesti pour Grasset BD, Sybille Titeux de la Croix et Amazing Améziane pour les Éditions du Rocher) d'adapter son plus célèbre roman, 1984, monument de la littérature d'anticipation, au même titre que Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley (Orwell et Huxley se sont d'ailleurs rencontrés à Eton !). Fan inconditionnel du livre, Xavier Coste s'empare de ce chef d'œuvre avec force, nous plongeant d'emblée dans un univers sombre avec son dessin nébuleux. Le monde qui gravite autour de Winston Smith est composé de silhouettes floutées qui ont perdu leur identité, dans une froideur installé. Au milieu de ce délicieux brouhaha graphique parfaitement adapté, il y a ceux qui marquent leur différence, représentés avec un visage aux contours moins impersonnels : Winston, Julia, Goldstein. Avec subtilité, Coste respecte l'œuvre tout en s'en affranchissant (les habitants de cette dystopie ont dans l'œuvre d'Orwell des costumes bleus, alors que dans la représentation de Coste, tout le monde est en costume cravate) dans un noir et blanc pesant sublimé par une ou deux couleurs à chaque planche : jaune, rouge, bleu... L'ensemble est d'une beauté incroyable. De toutes les adaptations BD, celle de Xavier Coste est sûrement la plus aboutie et celle qui colle le plus à l'âme de ce livre visionnaire. Pour couronner le tout, la fin de l'album, dans sa version collector (limitée donc introuvable), un magnifique Pop-up comme point d'orgue à l'univers créé par George Orwell. « Big Brother is watching you »... En 2021, la réalité a-t-elle dépassé la fiction ? Chacun est libre de se faire une idée...