L'histoire :
Joseph n’a pas trouvé de travail à la mesure de ses études supérieures. Etant donné qu’il faut bien « faire bouillir la marmite », et éviter de faire supporter à sa compagne seule les charges du foyer, il a accepté de travailler en tant qu’intérimaire, pour divers emplois en usine ou en entrepôts. Ce sont des jobs moyennement payés, qui réclament des cadences de productivité assez élevées et qui demandent généralement de se lever alors qu’il fait encore nuit. Joseph s’y rend en vélo, après avoir pris un petit-déjeuner au milieu de la nuit en écoutant les infos à la radio. L’un des postes se situe dans une usine bretonne agro-alimentaire. Il s’agit de cuire et transformer des poissons et des crevettes. Dans les vestiaires, en compagnie de ses collègues, il s’habille chaudement pour pouvoir travailler en milieu frigorifique humide. Ils ont tous des tabliers plastiques, des charlottes, des gants, des bottes et des masques hygiéniques. Puis ils prennent la relève de l’équipe précédente et portent des caisses, trient sur des tapis roulants, poussent des chariots, remplissent, vident, tirent, transportent, nettoient, décortiquent… A la fin de la session, il est épuisé. De temps en temps, il mange une ou deux crevettes, en cachette, estimant qu’il peut bien s’offrir une reconnaissance en nature…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce roman graphique en noir et blanc, Julien Martinière fait une adaptation du roman éponyme de Joseph Ponthus. À la ligne est le témoignage auto-fictionnel des expériences d’ouvrier en usine de l’écrivain mort prématurément il y a peu de temps. Ou plus précisément, ses expériences d’ouvrier sur des lignes de production dans l’agro-alimentaire : triage et décorticage de crevettes, de poissons, équarrissage de porcs, nettoyage d’abattoirs… Que des emplois psychologiquement pesants et physiquement pénibles : il faut travailler la nuit, dans des conditions de froid nécessaires, avec des cadences infernales et des obligations de productivité. Or malgré l’aspect glauque des jobs, le roman et son adaptation BD proposent d’y voir une forme de poésie, d’apaisement intellectuel, de plaisir, presque. L’œuvre n’explique pas, mais partage un ressenti sur des fonctions ouvrières répétitives… et ça dure ainsi sur plus de 200 pages. Le job, la fatigue, sortir le chien, travailler, se reposer, le foyer, les discutions entre collègues, ces derniers étant parfois fâcheux… Etc. Ce serait clairement morne si ça n’était accompagné par un dessin somptueux, mettant en scène au rotring fin, parfois à la frontière du pointillisme, des personnages semi-réalistes dans des décors et des ambiances documentés et soignés. Etonnant.