L'histoire :
1867. John Muir se réveille en sursaut dans une chambre d’un hôpital d’Indianapolis. Il a 28 ans et il est toujours aveugle, un bandage sur ses deux yeux, après le terrible accident qui s’est produit dans la scierie où il travaillait. Sur une machine, une courroie a lâché. Une lime coincée dans un engrenage lui a alors giclé au visage. Il a encore vu un paysage merveilleux en rêve et il regrette de ne pas avoir plus profité des beautés de la vie avant son accident. Il se jure de révolutionner sa vie si, par miracle, il guérit. Quelques semaines plus tard, le miracle s’est produit. Il garde un léger voile sur un œil, mais il peut entreprendre le long voyage naturaliste qu’il a rêvé. Il part avec le minimum sur lui, lui permettant de survivre et de collectionner les végétaux. Il descend en train jusque Jefferson-Ville, il ambitionne de continuer vers le Sud jusqu’en Floride, puis de gagner par bateau l’Amérique latine et l’Amazonie. Muir est empli de joie et il est affamé de découvertes. Il traverse à pieds de luxuriantes forêts de chênes, de tumultueuses rivières à gué. Il demande parfois l’asile à des fermiers de passage et constate souvent la grande précarité que la guerre de sécession a engendrée dans le pays. Il commence aussi à se poser la question des limites des ressources naturelles exploitées par l’Homme…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour rappel, l’américain John Muir est un pionnier de l’écologie. En 1903, il fait grimper le président Roosevelt sur les hauteurs de Yosemite pour le convaincre de classer le site en zone protégée. Yosemite deviendra ainsi le premier parc naturel américain. En octobre 2022, une précédente biographie de Clément Baloup, intitulée J'aurais pu devenir millionnaire j'ai choisi d'être vagabond nous racontait fort bien tout cela (et l’ingéniosité du bonhomme pour construire des machines). Cette nouvelle biographie très partielle signée Lomig ne fait pas redite : elle focalise sur la vie d’avant Yosemite. Elle couvre surtout le road-trip qu’effectua Muir entre le moment où il craint d’être devenu aveugle suite à un accident industriel (1867), et le moment où il découvre Yosemite (1869). Muir est en effet allé à pieds d’Indianapolis jusqu’en Floride, puis à Cuba où il est atteint de malaria, puis jusque San Francisco, via New York. C’est sans doute au cours de ce court laps de 2 ans que nait l’idée d’écologie, de préservation de la nature. Lomig s’intéresse aux racines de cette idée aujourd’hui plus que jamais nécessaire. Pour ce faire, les éditions Sarbacane lui ont permis un grand format, une couverture très cartonnée, un papier au grain épais, une forte pagination et une liberté de ton contemplatif. Paradoxalement, vu le propos, Lomig met en scène et dessine tout ce périple, les découvertes naturalistes et les fabuleux panoramas en noir et blanc. Son style semi-réaliste est besogné, détaillé, il donne régulièrement la mesure de la majesté de la nature à travers des cases géantes. Ces moments contemplatifs s’accompagnent de brefs encadrés narratifs, comme pour laisser la nature s’exprimer avant tout. « Nous ne sommes ni jaunes, ni vieux, ni sains, ni malades, mais immortels. Nous sommes les multiples reflets d’une seule et même énergie. » Le choix radical de l’abstinence colorimétrique se met sans doute en adéquation avec la sobriété nécessaire que doit l’Homme à la nature. On ne peut s’empêcher de croire qu’un minimum de couleurs aurait accordé encore plus de magnificence à la démonstration.
