L'histoire :
Le 13 août 1955, le jeune Emmett Till n’a que 14 ans lorsqu’il voyage seul de Chicago vers Money. Dans le train qui l’achemine vers cette petite ville du Mississipi, il discute avec sa voisine, une jeune femme ouverte de tempérament. Elle le met en garde : après Saint-Louis, il lui faudra changer de wagon. Car Emmett est noir et les mentalités du Sud des USA son radicalement différentes de celles de Chicago. Or Emmett est plutôt bavard et hâbleur… un tempérament qui risque de chiffonner les blancs ségrégationnistes. A l’arrivée en gare de Money, son oncle Moïse Wright l’accueille et en remet une couche quant à cette mise en garde. Ici c’est le Sud et il va lui falloir apprendre à rester à sa place, à ne pas fanfaronner, à respecter les « dont’s » (les interdits dictés par les lois Jim Crow). Durant une semaine, Emmett aide ses cousins dans les plants de coton. Ils sont observés et enviés par Luther, un autre jeune noir, plus frêle, mais excellent joueur de guitare. Le 23 août, Emmett met au défi ses cousins d’aller acheter des bonbons à l’épicerie Bryant, une boutique d’ordinaire interdite aux noirs. Il veut ainsi donner une leçon de courage et de modernité aux bouseux. Hélas…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans le fastidieux combat des noirs contre leur ségrégation, la postérité a essentiellement gravé les noms de Rosa Park et de Martin Luther King. Ne pas connaître le cas d’Emmett Till en amont de la lecture de ce one-shot n’est pas symptomatique de grave lacune culturelle. Pourtant, dans le milieu des années 50, le sort subi par ce jeune noir de 14 ans, qui a transité insouciant du Chicago tolérant vers le Mississipi raciste, fut également une plaidoirie marquante en faveur de l’égalité des droits aux USA. Sans doute le caractère horrible de son assassinat a-t-il joué en faveur de son léger retrait. Après l'avoir battu à mort, ses meurtriers blancs lui ont en effet arraché les yeux à la tenaille. Ce n’est pas trop spoiler que de le révéler ce détail horrible : la baseline « Derniers jours d’une courte vie » est suffisamment explicite. Arnaud Floc’h fait ici un formidable travail d’évocation, à la fois mémoriel et utile, au regard des nombreux progrès qui restent à faire dans le domaine de la lutte contre le racisme. Tout en se rythmant sur deux époques, en ping-pong régulier, sa narration se débarrasse des écueils moralisateurs et du pathos pour se concentrer sur les faits. Son dessin précis ancre précisément le décor dans les années 50 du Sud américain. Parce qu’elle est authentique et parce que son traitement graphico-narratif est d’une grande justesse, cette histoire fait froid dans le dos.