L'histoire :
Audrey est chargée d’entretenir le jardin d’un vaste domaine, vide de tous vacanciers la plupart du temps. A côté de cette somptueuse propriété au bord du lac Léman, se trouve la villa Matsuo, une maison d’architecte actuellement possédée par une starlette de la téléréalité, Siham. Celle-ci étant très souvent à l’étranger ou à Paris, la villa est entretenue par une jeune femme d’origine turque, Esma. Un jardinier algérien s’occupe quant à lui des espaces verts et de la piscine. Livrés à eux-mêmes la plupart du temps, ces « domestiques » peu en règle avec leurs papiers et donc largement exploités, sympathisent avec la voisine, Audrey. Tous trois se voient quotidiennement, pour parler de leurs vies et de leurs corvées réciproques. Mais un jour, Siham est de retour, avec son garde du corps et son mec. Cela signe aussi le retour à la solitude pour Audrey, car Esma doit dès lors se mettre à 100% au service de sa patronne. Et le garde du corps le fait bien comprendre à Audrey, en faisant barrage lorsque celle-ci demande à voir sa copine. Or ce même soir, Esma est témoin auditif, à travers l’interphone interne à la villa, du meurtre de sa patronne. Elle entend tout d’abord une discussion envenimée avec un inconnu ; puis elle voit sa patronne égorgée dans la piscine, puis les chaussures de son assassin par un vasistas… Elle s’échappe dans la nuit, en proie à la panique, par l’arrière du jardin, pour rejoindre la propriété entretenue par Audrey, via les eaux noires du lac. Personne ne l’a vue, semble-t-il. Mais dans sa fuite, elle a aussi trouvé le cadavre de Youssef dans un bosquet. Esma est apeurée, éperdue et néanmoins l’unique témoin gênante d’un crime…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La vraie valeur d’une bande dessinée se trouve certes au travers d’un bon scénario et d’un dessin réussi, mais avant tout, d’une narration emballante et immersive. Et pour ça, Iwan Lepingle est sacrément doué. Dans le registre du thriller, sa précédente Île sur la Volga s’était déjà révélée incroyablement prenante. De même, avec Esma, vous allez être accro dès la première page. Esclave moderne et domestique d’une vedette de téléréalité, cette jeune femme effacée d’origine turque se retrouve témoin du meurtre de sa patronne… et évidemment une témoin gênante, quand bien même elle n’a pas vu le visage du meurtrier. Une amie voisine tente de l’aider, à travers différentes rencontres et indices, des investigations qui ne portent pas leur nom. Ce biais est le moteur de ce thriller de 150 planches qui se dévore comme un bon polar au cinéma, dans une ambiance bichromique bleutée parfaitement adaptée aux nombreuses séquences nocturnes. Le dessin semi-réaliste légèrement stylisé s’inscrit dans un découpage cinématographique idéalement rythmé et cadré… Bref, encore un excellent polar signé Lépingle, comme on n’a plus l’habitude d’en lire tant que ça aujourd’hui dans le paysage bédéphile franco-belge.