L'histoire :
Monsieur Vanderbrüsche, patron d’une petite société d’import- export, n’a pas d’autre ambition en ces temps de crise que de faire prospérer son affaire. Aussi, maniant les lois du capitalisme avec confiance et conviction, il propose à une grosse firme internationale d’acheter les parts de la fabrique familiale. Heureux, le brave homme, lorsqu’il reçoit confirmation du deal par ladite société. Court bonheur cependant, lorsqu’il apprend que son entreprise est délocalisée en Inde et qu’ainsi, lui et son épouse (seuls employés) sont, de fait, licenciés. Ne trouvant pas à se recaser aussi rapidement qu’il l’aurait souhaité, il décide pour mettre un peu de beurre dans ses épinards de vendre sur Internet quelques babioles sans importance. Cependant, le presse-citron, la perceuse électrique puis la vieille commode s’arrachent aux enchères à prix d’or. Mais oui ! C’est bien là qu’il est, le nouveau filon à exploiter : vendre, vendre et encore vendre, pour transformer sans aucun état d’âme la valeur sentimentale en valeur marchande. Et ça marche bien plus rapidement qu’il ne l’avait espéré : reste à ne pas manquer de matière première. Quoique….
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Prenez un bon père de famille : la rondeur bonhomme du visage, les lunettes rectangulaires et la cravate comme il faut. Ajoutez-y sa petite entreprise avec son épouse et lui-même pour seuls employés. Mélangez le tout dans un grand bain de crise économique, de capitalisme sauvage, de délocalisation. Relevez l’ensemble en quelques clics de souris dans l’univers de la vente en ligne et vous obtiendrez la recette de cette fable moderne maniant le cynisme avec brio. Car sous des airs d’exercice humoristique, Daniel Blancou s’amuse à montrer l’homo-modernus tel qu’on voudrait qu’il soit défini aujourd’hui : une grosse baderne dénuée d’humanité, et pour qui les valeurs se résument au nombre de zéros derrière le chiffre du compte en banque et au profit à tirer de tout et n’importe quoi/qui (le célébrissime « gagner plus »). C’est l’absurde poussé à son paroxysme et servi par une voix off vitriolée qui se charge de l’affaire, en présentant une famille emportée par le rouleau compresseur de la richesse à tout prix. Très paradoxalement, dans le même mouvement, la fable nous démontre que si certains sont prêts à tout pour se gonfler d’argent, d’autres dépenseront fortune pour retrouver le goût de l’authentique et de la simplicité. Le trait sobre et naïf de Daniel Blancou rend parfaitement accessible cette petite démonstration socio-politique avec, qui plus est, ce petit coté retro parfaitement décalé. Un album sans conteste qui vous enrichira… pour quelques euros dépensés.