L'histoire :
Quand il débarque pour la première fois à Tahiti en 1891, Gauguin rêve d’une vie simple, sans souci d’argent, dans laquelle il pourra aimer, chanter et mourir, dans l’extase perpétuelle que lui offre cet endroit. Deux années plus tard, quand il demande à sa femme de vendre les tableaux qu’il lui a envoyés au Danemark, celle-ci est dans une colère noire envers celui qu’elle préfèrerait oublier. Qu’il reste là-bas, lui et sa sale peinture ! Fin 93, son retour fait polémique dans le milieu des arts parisiens. Il faudrait que cet engouement génère de nombreuses ventes, mais rien n’est moins sûr dans cet univers qui lui est pour le moins hostile. Pour ce voyage, il a tout quitté. Tout ce qui faisait enfin son bonheur, il l’a abandonné sans y penser, en quête de reconnaissance et de finances en bonne santé. Ils sont très peu à entrevoir le rôle qu’il s’apprête à jouer dans l’esprit des artistes peintres, à l’aube du XXème siècle.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Gauguin l’autre Monde, Fabrizio Dori lève le voile en image sur la dernière partie de la vie de l’artiste, la période tahitienne. Celle qui lui inspira les toiles qui libérèrent les futures générations de peintres des limites du réel. Personnage égoïste et têtu, porté par un ardent désir de reconnaissance, il n’eut que peu d’amis. La mise en image à la manière des tableaux du maître porte cette histoire pleine de mélancolie, pour révéler une fois de plus que les grands artistes furent souvent pauvres et malheureux de leur vivant. Narrés par Gauguin, qui s’adresse le plus souvent à l’esprit des morts, ces morceaux de vies livrés pêle-mêle en racontent beaucoup sur le processus vital de création qui le vida de son humanité. Comme si laisser une trace, faisait passer l’œuvre avant son créateur. Et tel un Dorian Gray inversé (roman sorti pile poil à cette époque), Paul Gauguin vieillit et mourut prématurément, au bénéfice de ses derniers tableaux qui incarneront à jamais la fraîcheur d’un coup de pinceau visionnaire. Avec sensibilité et profondeur, Dori retrace une errance uniquement concentrée sur ces toiles emblématiques qui révolutionnèrent le monde de l’art, après avoir été rejetées en bloc lors de leurs premières expositions aux yeux de la « belle société parisienne ».